Quels livres de voile offrir? (pour Noël)

Après une dizaine de semaines de navigation, un formateur me donna un jour le conseil de travailler sur ma culture nautique en lisant quelques livres. Lire des livres ne remplace pas l’expérience de la navigation, mais cela permet de mettre en perspective ses propres expériences. Oui, tous les marins se sont jurés de ne plus jamais retourner en mer un jour, en pleine galère…

Depuis ce jour où j’ai reçu ce conseil, j’ai dévoré plusieurs dizaines de livres nautiques et voici ma petite sélection, de quoi vous inspirer si vous souhaitez faire un cadeau à un ami passionné de mer.

1. Le fondateur – La longue route – Bernard Moitessier

Bernard Moitessier, né en 1925 au Vietnam, est un aventurier pur-sang. Dans la période d’après-guerre, il est un des premiers Français à partir au large pendant de longs mois. C’est tout naturellement qu’il participe au premier Golden Globe Challenge lancé par la BBC. Dans le livre La longue route , il raconte son aventure à bord de Joshua, sa goélette à la coque rouge, lors de cette première course autour du monde en solitaire. Plutôt que de terminer la course, il décide de continuer vers Tahiti, illustrant sa quête personnelle et sa connexion profonde avec la mer.

Dans Vagabond des mers du Sud, Bernard Moitessier raconte son périple de Tahiti jusqu’à l’Europe sans escale avec son épouse Françoise

2. Le plus prenant – Soudain, seuls – Isabelle Autissier

L’autrice Isabelle Autissier a eu plusieurs vies. D’abord coureuse au large à succès notamment en IMOCA, elle embrasse ensuite une carrière militante écologiste (notamment la présidence de WWF France), en parallèle de l’écriture de plusieurs romans. Ils sont tous très bons, mais Soudain, seuls est un chef-d’œuvre. Un couple de trentenaires parisiens part en tour du monde et explore le sud de l’Océan Atlantique à bord de leur petit voilier… seulement tout ne se passe pas comme prévu…

3. Sur la table de chevet – La 8ème édition du cours des Glénans

Un peu l’indispensable bible de tout marin. Ce n’est pas un livre qui se lit de la première à la dernière page, mais un livre pédagogique qui apporte tous les fondements de la voile. A offrir à quelqu’un qui s’y met ou qui a décidé de s’y mettre.

4. Le plus formateur – Météo locale et stratégie – Jean-Yves Bernot

Le routeur de François Gabart, Jean-Yves Bernot a une énorme expérience du large et de la navigation en course. Son dernier livre, sorti en juin 2023, est vraiment passionnant. Jamais je n’aurais cru apprendre autant dans un bouquin si gros. Ce livre n’est pas conseillé aux personnes qui n’ont pas une sérieuse expérience de la navigation.

La météorologie locale est la réponse d’un site aux conditions météorologiques générales. On cherche à utiliser ces effets locaux pour prendre l’avantage en course, augmenter le confort de la navigation en croisière, ou tout simplement pour avoir le plaisir de naviguer astucieusement dans un milieu complexe.

5. Le plus aventurier – L’enfant des sept mers – Paul-Loup Sulitzer

Kaï O’Hara est un jeune adulte impulsif à la tête d’une goélette à la voile qu’il a hérité de son grand-père. Il navigue avec le Nan Shan sur les sept mers en Asie du Sud-Est. Son équipage d’Ibans coupeurs de têtes, parmi lesquels l’Oncle Ka, est craint par tous les pirates de la zone.

Ce livre n’est plus vendu mais a marqué mon enfance et donné le goût de l’aventure et du large. J’ai bien dû le lire 10 fois !

N’hésitez pas à commenter le livre que vous offrirez pour Noël !

Passer son « permis bateau » (français et belge), est-ce bien utile et raisonnable?

Régulièrement, on m’aborde en me disant, « je passe mon permis bateau le week-end prochain ». C’est un peu une étape symbolique pour le trentenaire ou quarantenaire qui découvre une nouvelle passion. Cependant, c’est souvent pour moi signe d’une faible expérience de la mer.

Ayant navigué plus de 40.000 milles nautiques sur des voiliers, principalement en Mer du Nord, Manche et Atlantique, je me permets quelques réflexions sur le permis bateau.

Passer le permis bateau français

Le permis français ne vaut strictement rien en terme de compétences nautiques. On paie, on passe un examen caduc, on reçoit un papier.

Exemple annonce permis bateau en France


Ce permis bateau (français) est utile pour louer des bateaux moteurs partout dans le monde. Soyez cependant prudents. Vous n’avez acquis aucune compétence et vous emmènerez les êtres qui vous sont les plus chers en mer, un milieu hostile, potentiellement dangereux. Même à 500 m de la côte, le danger est présent. Un ami, marin chevronné, a failli y passer à 500m au large de Knokke… D’autres sont morts à 300 m de la côte en Grèce.

Clarisse Crémer, 12ème du Vendée Globe en 2020, n’avait même pas passé son permis bateau avant de partir en tour du monde en solitaire.

Ce permis bateau français est absurde et juste un permis « business », son taux de réussite est de 99% après seulement quelques heures de formation.

Le permis « yachtman » belge

Le système belge est devenu les dernières années beaucoup trop difficile. Il est inutilement complexe, cher, et trop théorique. J’ai renoncé à essayer de le comprendre en détails. Des heures de théories pendant lesquelles on apprend des concepts hypers compliqués, notamment la navigation sur l’Escaut (et ses règles très particulières) et le fonctionnement des ondes radios… le tout pour à la fin, ne toujours pas savoir vraiment naviguer. Heureusement, quelques sessions en mer ont été ajoutées…

Dans une école bruxelloise, moins de 10% des élèves ont tenu jusqu’au bout de la quinzaine de sessions de théorie et réussi l’examen. Le pire, le brevet de yachtman n’est pas vraiment reconnu à l’étranger.

14 soirées de ~3 heures, avec chaque fois 2 thèmes


Quel permis pour louer un voilier ?

Pour louer un voilier – un cv nautique est suffisant presque partout dans le monde. A la rigueur vous partagez un numéro de membre de club de voile ou autre. Je n’ai pas de permis à proprement parler, mais j’ai déjà loué des voiliers en France, Martinique, Grèce, Croatie, Espagne, etc.

Ma conclusion, passer le permis bateau, c’est utile pour louer un jetski (bof bof le climat & les voisins), ou une barque motorisée sur un lac, par une belle journée,

🙂 c’est mon avis & mon expérience.

Si vous êtes motivé, première étape est probablement d’acheter le cours des Glénans.

Convoyage retour – Norvège – Pays-Bas sur un bord de 450 MN

Prendre l’avion s’est encore avérée une expérience chaotique et particulièrement désagréable. Après un arrêt sprinté à Amsterdam, on arrive à Stavanger et rejoignons le brave Julien qui a rempli le fond de cale de victuailles pour la traversée. Le bateau est amarré dans la petite marina de Børevigå, à quelques centaines de mètres du centre-ville de Stavanger et à côté du musée du pétrole. Ne cherchez pas de maître du port, il n’y en a pas. On paie via l’application GoMarina et on reçoit le code d’accès aux sanitaires.

La mission pour la semaine est simple, ramener notre oceanis 40 Papa Charlie de Norvège jusqu’en Zélande. Il y a 480 MN (=900 km) en ligne droite. Soit 4 jours de navigation si les cieux sont cléments. L’équipe est chevronnée. Philippe qui skippe régulièrement le bateau et est un marin de grande expérience. Julien & Thibaut qui sont des habitués. Ils ont notamment participé au convoyage inaugural épique/mythique en décembre entre le Crouesty et Nieuwpoort.

Après un petit briefing à bord, on se dégourdit les jambes dans Stavanger. Pas de bateau de croisière amarré aujourd’hui. La ville est calme pour un samedi après-midi. On est tous les quatre d’accord pour dire que Stavanger, 3ème ville de Norvège, est plus sympa que Bergen. Plus authentique et moins touristique. Après un apéro à bord, on mange des curry et butter chicken chez Zouq, mon restaurant pakistanais préféré de Norvège. A 21h tout le monde est au lit.

Réveil 7h en ce dimanche. On largue les amarres à 8h15 pendant que le Queen Mary II, bateau de croisière mythique de la compagnie Cunard, s’amarre au centre-ville. Jusqu’à midi, la légère brise venant du large n’est pas suffisante pour progresser à la voile. Elle bute contre le relief de la côte. On appelle cela l’effet coussin.

Les premières 36h sont très favorables. Le vent d’ouest varie entre 8 et 15 nœuds et Papa Charlie avance entre 5 et 8 nœuds. L’équipage s’impatiente de voir les plateformes pétrolières promises. On navigue pendant de longues heures sous gennaker au portant au soleil sur une mer plate. On affale cette grande voile de portant par précaution lorsque la nuit tombe. Menu du midi: pâtes brocoli chèvre gruyère. Menu du soir: wraps.

La première nuit est noire. La lune pleine et orangée disparaît très tôt et on avance dans l’obscurité totale. Nous passons enfin à côté d’une première plateforme. Elle ressemble à un sapin de Noël avec toutes ses lampes et sa torchère au sommet. A l’AIS, on peut voir quatre bateaux stationnés autour. Papa Charlie continue sa route rectiligne. Cap au 195° (sud-sud-ouest).

La journée du lundi est rythmée par le passage de grains. Les grains – nuages monstres – visibles à l’horizon s’approchent lentement avant de surgir subitement. Le vent monte de 10 à 20 nœuds et nous force à manœuvrer. On réduit la puissance de la grand-voile en lâchant le hâle bas et choquant l’écoute. Le génois est enroulé de quelques tours. Enfin on abat d’une vingtaine de degrés pour réduire le vent apparent. Les trois grains du jour nous arrosent mais passent facilement. A midi on mange poulet courgette quinoa. Le soir poulet courgette pâte pesto. Chaque fois avec du topping de gruyère.

Le vent s’écroule à la fin de cette deuxième journée et on passe la soirée et la nuit au moteur. Julien & Philippe font quelques tentatives d’avancer à la voile. Mais sans résultat autre que de réveiller le quart qui se repose.

A minuit, Thibaut et moi montons sur le pont. La lune est beaucoup plus haute que la nuit précédente. C’est un véritable spot qui réfléchit sur la mer. Vers deux heures du matin la lune disparaît, et les étoiles brillent d’autant plus par cette nuit sans nuages. Au loin, sur l’arrière bâbord, une torchère de gaz crée un halo rose.

Depuis le départ, nous avons effectué de nombreuses manœuvres à la voile (hisser, affaler, dérouler, enrouler), mais n’avons pas encore viré ou empanné de bord. C’est-à-dire que les voiles sont, et resteront jusqu’aux Pays-Bas, à bâbord. Le vent venant de tribord.

Au matin, le vent rentre du sud-ouest et on entame un long bord de près. La gîte use les organismes. Manger s’habiller se déplacer. Toutes ces choses anodines sont compliquées. A midi, je prépare un risotto saucisse petits pois lentilles. C’est étonnamment le premier repas que je prépare. L’équipage ayant bien assuré jusqu’ici. La journée suit son cours tranquille au rythme des variations de vents. Nous passons – enfin – près d’énormes et nombreuses plateformes gazières. Un hélicoptère se pose même sur l’une d’elles alors qu’on passe à côté.

La troisième nuit est éreintante. Un front chaud (?) arrive. On enchaîne les grains qui sont nettement plus violents que la veille. Ces immenses nuages déversent des torrents d’eau sur nous. Le vent passe de 5 à 30 nœuds en quelques secondes. De rien à tout. On réduit puis on renvoie de la voile toutes les trente minutes. La mer désordonnée nous fait danser avec elle. Sauter avec elle. Valdinguer dans tous les sens. Après trois plats à la sortie d’une vague, Philippe change la couchette avant pour la couchette stratégique et confortable à l’arrière tribord.

Je reste à la barre pendant trois bonnes heures. L’adrénaline m’empêche toute façon de dormir et tout mon corps est tendu. Crispé. Il y a beaucoup trop de lumières non identifiées à l’horizon. On devine de nouveaux grains dans la nuit noire car très nuageuses. Après le front, le vent « prend de la droite », il tourne de SW à WNW (sud-ouest à ouest-nord-ouest). Le bateau se retrouve au portant est commencer à foncer. Cap au 180°.

Au matin. On est un peu groggy. Pas le temps de se déconcentrer. La côte hollandaise est toute proche. Elle est piégeuse à cause de son trafic et ses zones interdites. Vers 8h, au moment où je sors de ma couchette, ce sont quatre bateaux commerciaux qui passent derrière nous. Ils font route vers Ijmuiden (Amsterdam).

Avec le courant favorable, nous traçons à 9 nœuds entre Amsterdam et Rotterdam. Ce qui est surprenant ce sont encore et toujours des plateformes gazières. Cette énergie du passé contraste avec les milliers d’éoliennes construites et encore en développement.

Grâce à notre vitesse élevée, nous passons sans encombres les chenaux d’entrée du porte de Rotterdam. Des centaines de navires sont à l’ancre. Vides, ils attendent leur prochaine cargaison.

Après Rotterdam, il nous reste une vingtaine de milles jusqu’à l’écluse du Roompot puis l’Oosterschelde jusqu’à Wemeldinge. On se détend et grignotons sur l’heure de midi. Le plus dur est derrière nous, se dit-on. Le courant s’inverse, on passe de 9-10 nœuds à 6-7 nœuds. Le courant contre le courant fait lever la mer. Le chenal jusqu’à l’écluse est beaucoup plus étroit, long et piégeux que dans mes souvenirs. 10 MN à serpenter entre des bouées peu visibles. Au moindre écart, on s’échoue sur un banc de sable.

A 16h on arrive devant l’écluse. Problème, la marée est trop haute, et la hauteur libre en dessous du pont est insuffisante pour laisser passer notre mât (19 mètres au dessus de l’eau). Nous grignotons les restes du frigo. Fromage. Jambon. Chips. Petite Bière. Puis on nettoie le bateau. A 18h, l’éclusier (à distance), nous confirme qu’il y a assez de place pour passer sous le pont. Il reste encore 18 MN jusqu’à Wemeldinge, mais avec 1,5 nœuds de courant contraire. Au lieu de progresser à du 5-6 nœuds, on se traine à 3,5.

Des grains réapparaissent au loin. Je réfléchis tout haut à affaler la grand-voile haute, et continuer au moteur. Un magnifique nuage apparait sur notre arrière tribord. Thibaut et Julien vont au pied du mât pour affaler la GV quand une rafale à 35 nœuds arrive. Je leur crie de s’agripper. Trente-cinq nœuds. Papa Charlie se couche sur son flanc tribord. Thibaut se tient au mat et Julien aux filières bâbord. Philippe réagit ensuite en choquant la GV. La voile bat dans tous les sens pendant qu’on la descend en catastrophe.

Après le vent, la pluie et la grêle. Philippe se met au poste de barre pour guider le bateau au moteur pendant que des trombes s’abattent. Réfugié à l’intérieur, je m’équipe pour intervenir au cas où. En arrivant à haute de Colijnsplaat, alors qu’on croit le grain passé, la foudre suivi immédiatement d’un coup de tonnerre déchire le ciel. On ne fait pas les malins. Fort heureusement, cela passe sans dégâts. Deux heures plus tard, la nuit bien entamée, on arrive à bon port. On file en catimini car demain matin, c’est boulot !

Comment choisir son système de quart pour des longues traversées?

2h, 3h, 4h, 5h, 6h? Tournant, roulant? Fixe? Variable? La question de comment organiser ses quarts lors de longues traversées revient inlassablement. La réponse dépendra de nombreux facteurs, comme

  • la taille et l’expérience de l’équipage
  • la durée & la difficulté de la traversée
  • le bateau
  • l’expérience, la confiance et l’endurance du skipper

Dans les paragraphes qui suivent, je vais partager mon avis en me basant sur les plus de 100 nuits que j’ai passées en mer comme skipper, lors de traversées de l’Atlantique, du Golfe de Gascogne, de la Mer du Nord vers l’Angleterre ou la Norvège, la mer de Chine vers les Philippines, ou encore la Manche.

Traversée de plusieurs jours au large

Imaginons un équipage de 4 personnes avec au moins 2 personnes capables de barrer par toutes les conditions et d’assurer la veille de nuit.

Système 6h/6h tournant

Lors de ma première transatlantique, nous n’étions que 4 personnes à bord. 2 jeunes expérimentés, et 2 seniors charmants mais un peu moins vaillants… surtout au vu des conditions affrontées dans le golfe de Gascogne fin octobre (30-40 nœuds au près pendant 4-5 jours). On avait opté pour un système de quart à 2.

  • 8h-14h – A (repas à 13h30)
  • 14h-20h – B (repas à 19h30)
  • 20h-2h – A
  • 2h-8h – B

Alors oui, les 6h de quarts, de nuit, c’est ultra fatiguant. Surtout quand le pilote ne tient pas vu les conditions de mer, la pluie horizontale dans les yeux, etc. J’avais même dû tenir un quart entier à la barre. Par contre, après, j’ai eu mes heures de repos, presque une nuit complète.

Système 4h/4h/libre

Mon système préféré les dernières années. Toujours avec un équipage de 4 personnes, il s’agit d’avoir 2 x 2 quarts de 4h pendant la nuit et le matin, et l’après-midi libre avec chacun au moins 2h à la barre.

  • 20h-0h – A
  • 0h-4h – B
  • 4h-8h – A
  • 8h-12h – B
  • 12h-20h – (repas à 12h30 et 19h) libre, chacun s’engage à prendre la barre au moins deux heures. On s’organise librement pour aller faire sa petite sieste.

Pourquoi je n’aime pas les quarts de 2h, ni les quarts roulant

Les quarts de 2h ou 3h sont à éviter s’il n’y a que 2 quarts. Le temps de se déshabiller, d’aller aux toilettes, de se mettre dans son duvet, et de trouver le sommeil,… il sera déjà presque l’heure de ré-enfiler son cirré pour monter sur le pont. Donc, évitez…

Et le skipper? Dans le quart ou hors-quart?

Durant mes premières années comme skipper, j’ai surtout navigué de nuit en côtier, avec un équipage dont je connaissais pas les compétences et surtout à qui je ne pouvais pas déléguer le suivi de la navigation. Dans ces conditions là, j’étais hors quart, je dormais dans le carré en ciré, et suivais les moindres mouvement. Je sortais au moindre doute. Je me rappelle, entre l’Irlande et les Scilly, le quart sur le pont échangeait sur des signaux lumineux visibles au loin. Clairement, ils ne comprenaient pas ce qu’ils voyaient, mais au moins ils étaient attentifs. Au bout de quelques minutes, ils m’appellent sur le pont. En 3 secondes je suis dans la descente. Et là, je vois un chalutier à moins de 200m. On fonce au portant à 8,5 nœuds (c’était un 45 pieds) vers son chalut derrière lui. Ni une ni deux. On envoie un empannage et on s’écarte de cette route de collision.

Hors quart. En ciré, dans le carré. J’étais tout le temps fatigué et décalé du reste de l’équipage. Je le déconseille fortement.

Maintenant, je vais systématiquement prendre le quart le plus pénible (0-4h du mat sur une récente traversée vers la Norvège) ou le quart qui va me permettre d’être sur le pont au moment de l’atterrissage (arrivée sur les côtes). Hors quart, j’enlève mon ciré et me faufile dans mon sac de couchage. Si la navigation ne me permet pas de dormir un bon quart, je mets mon réveil dans 30-60 min. Je raisonne toujours ainsi: danger à 10 MN / vitesse 5 nœuds, donc j’ai 2 heures avant un problème potentiel, je peux dormir 1h15-1h30.

Autres paramètres à prendre en compte: repas, vaisselle, décisions

Décider de son système de quart est toujours un moment délicat. Plusieurs équipiers ont leur avis et chacun a des expériences différentes. Je vous encourage à expliquer les paramètres, météo, fatigue, expérience de l’équipage, dangers, et de laisser l’équipage explorer les options. Il n’y a pas de mauvais systèmes (sauf le 3/3), ou les systèmes roulants trop rapidement (chaque jour un autre quart).

Lors des navigations en quart, la prise des repas ensemble (à midi et le soir) est le moment convivial par excellence. Veillez à vous mettre d’accord sur un certain principes. Qui prépare le repas (généralement le quart qui est sur le pont)? A quelle heure on mange (30 min avant le changement de quart)? Qui fait la vaisselle? A quelle heure réveille-t’on le quart suivant? Etc.

Convoyage entre Wemeldinge & Stavanger

On largue les amarres vers 11h ce samedi par un belle journée d’été. Grand soleil et légère brise venant du large. Après un arrêt rapide pour remplacer la dernière bonbonne de gaz au Goese Sas, on navigue au près vers l’écluse du Roompot.

Une fois l’écluse franchie, nous sommes « en pleine mer ». Les prévisions météorologiques s’avèrent malheureusement exactes. Le vent s’écroule et on doit progresser au moteur, jusqu’à Scheveningen – port de la ville hollandaise La Haye à 35 MN (milles nautiques) au Nord. A 23h, nous nous amarrons dans une partie quelque peu abandonnée du port et filons au café pour fêter la première journée, et surtout analyser la suite de la route. Nico sur son iPad. Stijn et Luc avec l’application Windy sur leur téléphone. J’utilise mon ordinateur et le logiciel belge Squid pour faire des routages.

Un été en Norvège – cela se mérite

Il y a 470 MN en route directe entre Wemeldinge et Stavanger. L’objectif de cette semaine – rallier Stavanger en Norvège en 7 jours. Il y a 4 jours de navigation mais la météo est compliquée. Plusieurs coups de vent (25-30 noeuds de face) sont prévus en Mer du Nord. Un premier qui dure jusqu’à mardi. Une seconde dépression qui arrive jeudi. Nico analyse une option folle via le canal de Kiel et l’Est du Danemark. Luc analyse un bord vers Hull au Royaume-Uni. Finalement, on choisit la route directe et une étape à Den Helder où nous attendrons « la bonne fenêtre pour traverser ».

Dimanche – deuxième jour

Réveil 6h30 pour profiter du courant favorable (1,5 noeuds). Nous sommes une petite dizaine de voiliers à sortir du port de Scheveningen. La légère brise de travers (7-10 noeuds) nous permet de naviguer à bonne allure. Nous passons devant Ijmuiden (port d’accès à Amsterdam). La mise à jour météo à 10h30 suggère une opportunité pour traverser le lendemain soir.

Avec Stijn, Nico et Luc à bord, j’ai la chance de naviguer avec des personnes qui connaissent bien le bateau et sont super faciles en mer. On n’a pas besoin de se parler pour se comprendre. Tout le monde sait qu’on porte le gilet en permanence, on s’attache de nuit, comment prendre un ris et comment dérouler le génois. Je peux dormir sereinement et j’en ai grand besoin.

En début d’après-midi, après avoir navigué entre des champs d’éoliennes en mer à bâbord et des dunes à tribord, on s’amarre à Den Helder. La ville est connue pour sa base militaire et son ferry vers l’île de Texel, mais pas spécialement pour son attractivité touristique. Le quartier des quais au centre ville nous surprend agréablement.

Lundi d’attente

On s’installe au café-restaurant de Stoom (super sympa) pour une journée de travail. J’enchaîne les capucinos , les calls et les e-mails. On affine ensemble l’analyse météo, les courants, et les routages. La fenêtre du soir s’améliore à chaque update météo (le modèle européen EMCW étant plus réaliste que l’américain GFS).

Départ à 16:30. La première demi-heure est pénible. Moteur à fond face à 25 noeuds de vent et des vagues d’un bon mètre. Ensuite on pique au Sud – à contresens de la route – pour éviter des hauts-fonds du Noorderhaaks. Le chenal étroit du Molengat n’étant plus praticable à cause de son ensablement. La mer est agitée et désordonnée. On ne fait pas les malins. On sort du chenal, virons et partons au nord. On lâche les 2 ris dans la GV (grand voile).

Qu’est-ce qu’on fout là ?

Nos estomacs s’accrochent mais les conditions sont horribles. Papa Charlie n’avance qu’à 4 noeuds (au lieu des 6-7 espérés). Le bateau tape dans les vagues et le vent mollit. Dur coup au moral. Le quinoa feta préparé par Nico peine à nous égayer.

Stratégie de route

La stratégie de route entre Den Helder & Stavanger comprend 3 phases. D’abord en ligne droite cap 355° au près bon plein vers la Norvège. Puis se décaler progressivement vers l’ouest après deux jours, cap 330°. Ensuite empannage et cap 20°-30° sur Stavanger.

L’enjeu est d’arriver avant jeudi midi et l’arrivée d’une dépression générant du vent de 20-25 noeuds (6-7 beaufort) de Nord le long de la côte norvégienne. Fait remarquable, la météo s’avérera extrêmement précise sur toute la traversée.

Fin juin les nuits sont courtes au Nord des Pays-Bas. Stijn et Nico prennent le quart de 20h à minuit. Luc et moi prenons le relais jusqu’à 4h pendant les heures de pénombres.

On alterne une heure à la barre et une heure en équipier de veille. Je prépare une petite soupe pour nous réchauffer. Ne croyez pas que nous sommes seuls en mer. Il y a d’abord deux rails de cargo à franchir et ensuite ce sont des centaines de plateformes gazières et pétrolières. L’AIS facilite la veille. Ce système – Automatic Identification System – permet aux bateaux de partager leur position, cap et vitesse via les ondes vhf. Sur l’écran de notre GPS, nous suivons les mouvements des bateaux autour de nous.

2h du matin

Luc: « Miguel, est-ce que toutes les plateformes sont éclairées?»
Miguel: « oui normalement »

Quelques secondes plus tard. On devine dans la nuit une structure non-éclairée sur notre bâbord. Elle n’est qu’à quelques dizaines de mètres. Silence. Cela n’est pas passé loin.

Mardi à la gîte

On a du mal à entrer dans le rythme. S’habiller est compliqué. Préparer à manger est compliqué. On souffre gentiment et on est tous fatigués. Stijn comate dans sa couchette. Luc s’accroche à la barre. J’ai des pensées sombres.

Pour le souper, je prépare des pâtes. Le moral remonte un peu. Ensuite je file dans ma couchette. Pas facile d’aller dormir à 20h.

Mercredi.

La mer se calme progressivement. On prend confiance. On prend plus de plaisir. Pendant notre quart du matin (8h-13h), Luc et moi reprenons des forces et mangeons abondamment. Luc fait du café. Je prépare une omelette. On déguste un saucisson et un bloc de fromage. Ensuite on finit les pâtes de la veille.

Quand Nico et Stijn émergent. Luc descend faire une sieste. Comme prévu, le vent mollit et tourne Sud. Le bateau gîte de moins en moins. On célèbre la belle journée avec un petit apéro. Premier moment de convivialité après 48h de navigation.

Je prépare un quinoa légumes pour le soir. On échappe aux pâtes sardines suggérées par Nicolas.

Arrivée sur Stavanger

Pour notre dernière nuit en mer. Nous alternons entre moteur et voile. Le vent tourne en quelques minutes de Sud à Nord. La dépression arrive et il reste une vingtaine de milles jusqu’à l’entrée de Stavanger. Au matin, la brume limite la visibilité à 500m. Je vois à l’AIS un cargo en route pour les Féroé. Il change son cap pour nous éviter et passe 1 MN (= 1.852 mètres) derrière nous. On ne le voit pas. On ne l’entend pas.

Luc s’éclate à la barre, au près de nouveau. Papa Charlie fonce à 8 noeuds. Le vent forcit déjà et je prends un ris dans la GV. A 4h, nous descendons dormir alors que la bouée ouest (9 éclats toutes les 15 secondes) signalant l´entrée du chenal est en vue. Deux virements de bord plus tard, l’autre quart allume le moteur et remonte face au vent dans le fjord de Stavanger. A 8h, nous enroulons la pointe en même temps qu’un paquebot de croisière géant. On hisse les voiles et finissons au portant cette belle navigation. On s’amarre au centre ville. Des hordes de touristes allemands débarqués du paquebot sillonnent la ville. Nous zonons fatigués mais avec le sentiment du devoir accompli. Je m’installe dans un café trop bruyant pour travailler et prendre quelques calls.

Zouq – Hekkan – Koko – Réparation

Stijn – en connaisseur de la Norvège – nous emmène au restaurant Zouq. Un excellent indo-pakistanais. A 21:30, je prends un dernier call alors que le reste de l’équipage roupille déjà. Après une bonne nuit de sommeil, on dédie la journée du vendredi au nettoyage et aux réparations. Luc s’attaque au feu avant tribord, puis à la planche du cockpit, la planche WC et enfin le plus dur / ré-accrocher les rideaux du carré. Tâche qui demandera ingéniosité extrême, entre achat de nouveaux boutons pression et démontage du plafond.

Samedi, on finit le nettoyage avant de repasser par nos adresses préférées. Burger cuit au charbon de bois chez Hekkan. Café bio bobo au koko café. Au retour sur le bateau – l’équipage suivant prend déjà ses marques. Mission accomplie.

Convoyage en hiver, de la Bretagne à la Belgique

Deux jours à tourner en rond au Crouesty suffisent. Ce hameau situé à la sortie du Golfe du Morbihan, à côté de Port Navalo, est devenu en 40 ans un lieu incontournable de la navigation de plaisance en Bretagne Sud avec plus de 1.400 emplacements à flot. On quitte le port en début de matinée après un bon petit déjeuner.

Le vent souffle du NW (nord-ouest) et le premier bord en direction du passage de la Teignouse est grisant. Grand Voile haute et génois déroulé, notre Oceanis 40 déboule à 8 nœuds au travers. A la sortie de la Baie de Quiberon, on lofe au près. Le vent grimpe à 20 nœuds et la mer est encore agitée du coup de vent de la veille. Nos estomacs sont à l’épreuve mais tiennent le coup. Je remonte le moral à coup de « Pain Saucisse ». Recette devenue incontournable à bord.

On tire des bords au près pour gagner au nord, en longeant la côte. On passe à côté du phare des Birvideaux avant de partir à l’ouest vers le sud de l’île de Groix. Des dauphins, presque comme d’habitude j’oserais dire, viennent jouer avec l’étrave de Carpe Maria III qui cherche un nouveau nom. Les mammifères ne nous lâcheront pas pendant de nombreuses heures.

La nuit tombe tôt (17h). Le vent s’écrase et on continue au moteur au Sud des Glénans vers la Baie d’Audierne. Je décide de longer la côte pour éviter du vent trop fort de face. Avec Julien et Stijn, on trouve un coffre dans la nuit noire au mouillage d’attente de Sainte Evette pour se reposer un petit peu.

Vent contre courant – tu éviteras

Deux heures à peine plus tard, mon réveil sonne et nous larguons les amarres avec Nicolas. On est optimistes. Grand voile haute et génois déroulé. Pendant qu’on avale les 10 milles nautiques qui nous séparent du Raz de Sein, le vent forcit. Dix. Quinze. Vingt. Vingt-cinq nœuds. Au près. Porté par le courant, Carpe Maria III s’approche à 10 noeuds de vitesse du phare de la Vieille et de la cardinale ouest de la Plate. On prend en catastrophe un, puis deux ris dans la grand voile. Heureusement la manoeuvre est fluide. La nuit est toujours noire même s’il y a des feux de bouées et de phares partout. La mer s’agite progressivement.

A l’entrée du Raz de Sein, la mer est en ébullition. Rien à voir avec les deux passages que j’y ai fait il y a quelques mois. La mer est une soupe. Les vagues vont dans tous les sens. Le vent contre le courant soutenu dans cet étroit goulot à la pointe de Bretagne ne pardonne pas. J’aurais dû mettre le réveil une heure plus tôt pour passer vraiment à l’étale. Trop tard. Nico est à la barre. Je regarde la carte sur mon iPad.

La mer déferle. Une vague. Puis une deuxième. Puis une troisième. Le pont se retrouve sous des milliers de litres d’eau . Ouf, les hublots sont étanches. Par chance, nous tirons le capot de la descente juste avant qu’une vague ne recouvre le roof entièrement. L’eau glacée dégouline mais n’entre pas dans le bateau. A l’intérieur, après deux vols planés, Thibaut qui dormait dans la cabine avant, se réfugie dans le carré.

Je crie aux trois équipiers à l’intérieur qu’on vire dans trois minutes. Encore dix minutes à tenir et la mer se calmera. Le bateau est emporté par le courant et tourne dans les marmites de courant. On vire puis on s’échappe de cet enfer vers la Baie de Douarnenez. Le jour se lève. Le vent tombe. Un dauphin prend de nos nouvelles. On continue la route au moteur vers la Presqu’ile de Crozon. Stijn me remplace sur le pont et je m’écroule dans ma couchette. Deux heures plus tard, l’équipage a déjà oublié la nuit difficile. Il fait presque beau lorsqu’on entre dans le magnifique port de Camaret-sur-Mer.

Le village est désert. On lunche dans le seul restaurant ouvert. Le café de la place. On s’offre des huîtres et un verre de blanc comme entrée. La suite, du poisson et un plat végétarien, est délicieuse. Le serveur/gérant est charmant. Julien, Nico et moi entamons une balade digestive le long des falaises. Le sentier sillone entre cratères d’obus et bunkers allemands jusqu’à la plage de Pen Hat. Quelques surfeurs affrontent le froid. De retour au port, je travaille pour le boulot avant d’analyser la suite de la navigation avec des logiciels météo et de routage.

Les amarres sont larguées juste avant le coucher du soleil. Je cuisine alors qu’on fait route vers le Chenal du Four. Le dernier passage à niveau qui sépare la Bretagne Sud de la Bretagne Nord. Le Chenal est heureusement beaucoup plus calme que le Raz de Sein franchi le matin même. A la sortie du chenal, le vent d’ouest se lève doucement.

Escortés par des dauphins, les deux quarts – Nicolas & Thibaut et Stijn & Julien – font de l’excellent boulot. Le pilote automatique fait le plus dur en barrant le voilier pendant la majeure partie de la nuit. La nuit est noire et il est difficile de barrer dans ces conditions. On fait plus de 7 nœuds de moyenne jusqu’à Dartmouth. Carpe Maria III atteint même 12 nœuds dans des surfs en arrivant sur les côtes anglaises. L’arrivée dans la petite ville de Dartmouth est source d’enchantement. C’est tellement beau. Vers 13h heure anglaise, on s’amarre à la Dart Marina.

Escale anglaise des pestiférés covid

Le capitaine du port nous refuse la place et nous renvoie sur un coffre au milieu de la rivière. Il faut que l’équipage suive la procédure covid en vigueur depuis la veille. Quarantaine. Test PCR le deuxième jour. Puis attente des résultats. A noter que le test PCR est fait soi-même grâce à un kit reçu par la poste et renvoyé par courrier. Bref, aucune valeur médicale. En plus cela coûte 100 Pounds. Et demain on est partis.

On lunche tranquillement à la place de port qu’on nous refuse. Branché à l’électricité, un petit chauffage nous réchauffe (et sèche) après la dure traversée. Le capitaine du port revient à la charge. Il veut qu’on dégage. On appelle un autre port situé 1 km plus loin qui accepte de nous accueillir. Houra. Dix minutes plus tard, alors qu’on fait route, on nous refuse l’accès à nouveau. On finit sur un ponton, sans eau ni électricité, au milieu de la rivière Dart. Le moral est en berne.

Je lis sur les sites gouvernementaux en détails les mesures covid en vigueur. La procédure telle qu’expliquée a du sens pour les voyageurs qui arrivent à Heathrow et qui rentrent chez eux (en quarantaine), mais n’a aucun sens pour des marins. La section « exceptions » offre notre planche de salut. En tant que marins professionnels, double vaccinés, nous sommes exemptés de toute contrainte covid. Yallah. Le deuxième port accepte de nous mettre sur un ponton – non relié à la terre – mais avec de l’électricité. Au moins on passera une bonne nuit.

On gonfle l’annexe et on passe deux heures à terre pour faire quelques courses, boire une pinte de Guinness locale et manger un fish and chips. A 21h, tout le monde roupille comme des biens heureux. Le ventilateur de notre chauffage électrique nous berce.

25 nœuds sinon rien

Après une nuit de sommeil, le port pas convaincu d’avoir bien respecté les règles nous offre la nuit, et évite ainsi de nous inscrire dans ses registres. Plus énorme. Les douanes, avec qui je suis en contact depuis la veille, m’appellent pour me prévenir qu’ils préparent une descente sur notre bateau. Ils nous conseillent de partir. Véridique !

A 14h, nous reprenons notre route vers la Belgique. La tempête qui nous avait forcé à nous réfugier est sensée mollir. Le vent souffle du Nord. Il est polaire. Pendant 34 heures, nous faisons cap plein Est.

J’ai mal préparé la route et sous-estimé le courant à hauteur de l’île de Wight. On a plus de 3 nœuds de courant de face… Heureusement, le vent vient de terre (et la mer est calme), et Carpe Maria avance à 8 nœuds sur l’eau. Chaque mise à jour météo nous promet un vent plus calme d’une quinzaine de nœuds. Au contraire. Le vent ne passe jamais en dessous des 25 et monte régulièrement au dessus des 30. L’équipage est lessivé par les embruns et le froid. Nous longeons d’abord la côte anglaise de jour, puis passons Wight de nuit, avant de traverser la Manche de jour. Enfin on arrive sur Calais puis Dunkerque de nouveau de nuit.

Hors quart, j’ai pu me préserver pendant la première nuit en restant au chaud relatif de la cabine. L’arrivée sur Calais est rock-n-roll. N’étant plus protégés par la côte anglaise, la mer se déchaîne et les rouleaux deviennent de plus en plus gros. Je prends la barre. A moitié pour m’occuper, à moitié en espérant calmer les embardées du bateau. Ma deuxième paire de gants reste sèche pendant cinq minutes avant de se faire avoir par un bel embrun. Après avoir traversé les rails de cargos du détroit, on croise le ballet des ferries assurant la liaison Calais-Douvres.

Dunkerque est enfin en vue. On manque de se faire peur en évaluant mal un cargo sortant du port industriel. A un mille du port de plaisance, le vent s’écroule enfin. On entre dans la nuit noire dans le port et on s’amarre en silence. Les rescapés lèvent la tête de leur sac de couchage. On se félicite tous. Heureux d’avoir fait tout ce chemin en équipe. J’avale un yaourt et m’enfonce dans mon duvet, bercé par le ventilateur du radiateur électrique.

Clap fin

Les quinze milles séparant Nieuwpoort de Dunkerque ne sont que plaisir. Le vent est de nouveau à 25 nœuds (6 bons beaufort). Cela caille toujours autant. Mais déjà nostalgiques, on appréhende déjà le fait d’arriver. La fin d’une belle histoire. Mission accomplie. On écoute Radio Beach, station locale animée par le papa de Stijn. Carpe Maria III fonce pleine balle vers son abri pour cet hiver. Les parents de Stijn nous accueillent à l’arrivée autour d’un café chaud.

Après le dîner au yacht club du VVW, Julien et Thibaut reprennent le train. Stijn rejoint sa famille. Nico et moi retrouvons l’humidité et la froideur du voilier. Au matin, sous la pluie, on sort le bateau de l’eau. La scène est cocasse. Le vent siffle dans les haubans et une pluie froide tombe du ciel. Trois voitures suivent – PAPA CHARLIE (le nouveau nom pour le bateau) – suspendu à la grue. Dans la première la famille de Nico. Dans la deuxième ma famille. Dans la troisième, mon oncle et ma tante de passage dans la région. Après l’hiver, Papa Charlie pourra enfin emmener des groupes voguer sur l’eau, dans des conditions bien plus confortables.

Priorités en mer: la grande confusion

Votre meilleur ami vous raconte qu’il vient de faire un accident de voiture. Après s’être rassuré de son état de santé, la première question qui vient à l’esprit est « qui était en tord ? Qui avait la priorité ? »

Les plaisanciers qui prennent leurs réflexes d’automobiliste en mer sont de plus en plus nombreux. Ils sont probablement mal aidés par leurs quelques connaissances des règles de régate. Comme l’explique le magazine Bateaux.com: en régate, un bateau bâbord amure doit se maintenir à l’écart d’un bateau tribord amure. Cette règle fondamentale est la plus connue : « Tribord amure, roi des mers ».

RIPAM: Règlement international pour prévenir les abordages en mer

Les néo-plaisanciers connaissant le RIPAM sont par contre moins nombreux. L’idée de cet article vient d’ailleurs d’une conversation animée avec un juriste de surcroit, propriétaire d’un voilier depuis 10 ans.

Le RIPAM règlement régit la manière dont les navires évitent les abordages (collisions). Il ne mentionne jamais le mot priorité, mais utilise le terme privilège. Le navire privilégié a le privilège de garder son cap et sa vitesse… mais en dernier recours devra tout mettre en oeuvre pour éviter une collision avec un autre navire. (Wikipedia)

Le RIPAM - Les règles de priorité - Culture Maritime
Source: https://www.culture-maritime.com/fr/page-se3_cours.xhtml

Les navires sont privilégiés dans l’ordre suivant (du plus au moins privilégié):

  • Navire travaillant en mer
  • Voilier tribord amures
  • Voilier bâbord amures
  • Bateau Moteur

Mêmes les militaires le disent…

Le 12 novembre 2021, le porte-avions Charles de Gaulle, navire amiral de l’armée française entrait en collision avec un voilier de 10 mètres battant pavillon polonais au large des îles d’Hyères. (source: Préfecture Maritime)

Dans un communiqué, la Préfecture Maritime de Méditerranée avait précisé qu’« Une enquête technique a été déclenchée à l’issue de cette collision. Il est donc prématuré de définir d’éventuelles responsabilités. Dans le domaine du droit maritime, il n’existe pas dans les textes de notions de -priorité- mais plutôt celle de -privilège-. C’est le terme exact et approprié. Et que ce soit entre deux voiliers, deux bateaux à moteur ou l’un et l’autre, la notion de privilège dépend de la capacité d’intervisibilité entre les navires ».

Semi-rigide du porte-avions portant assistance au voilier battant pavillon polonais. | PREMARMED

Conclusion

Tout navire doit mettre tout en œuvre pour éviter une collision avec un autre navire.

Le marin et écrivain Olivier de Kersauzon ne pouvait pas mieux résumer l’attitude à adopter: « Quand un cachalot de 45 tonnes vient de tribord, il est prioritaire. A bien y penser, quand il vient de bâbord aussi … »

Olivier de Kersauzon: « Quand un cachalot de 45 tonnes vient de tribord, il est prioritaire. A bien y penser, quand il vient de bâbord aussi…

Aberwrac’h – Quiberon [Bretagne 2021]

La troisième et dernière semaine de ce périple breton commence par un contrôle des douanes dans le port de l’Aberwrac’h. Alors que notre Dragon Océan est dans un désordre pas possible suite à notre arrivée nocturne la veille, six inspecteurs montent à bord et contrôlent nos papiers. Acte de franchisation. Cartes d’identité. Livre de bord. Liste d’équipage. Contrat de location. Numéro mmsi. Le bateau – immatriculé aux Caraïbes – attire leur attention car cela est un mécanisme populaire pour réduire ses impôts en France. Heureusement tout est en ordre, et la bonne humeur des douaniers n’était pas feinte.

Contrôle des douanes à bord

Le courant de marée n’étant pas favorable avant 14 heures, un petit déjeuner en terrasse et une douche réparatrice s’imposent.

Le vent sud-sud-ouest est toujours contraire. La navigation commence au moteur dans les chenaux des roches de Portsall. Le mer est hachée. Le vent de face monte à 20 nœuds. Jérôme guide le bateau grâce à son application Navionics. Jens barre pour éviter d’attraper le mal de mer. Le Phare du Four marque la fin de la navigation « au mètre près » et le début du réputé Chenal du Four. Contrairement à mes attentes, la mer y est plus calme. A la pointe de Saint-Matthieu (sud du Chenal du Four), on déroule le Génois et nous continuons à la voile jusqu’à Camaret-Sur-Mer. J’aurais aimé aller à Mortgat ou Douarnenez, deux ports bucoliques mais plus éloignés de la route.

Apéro sur les quais de Camaret

Tempête au port

Nous restons deux jours à Camaret car une grosse tempête (8-9 beaufort) est annoncée pour le lendemain. Pendant la matinée, on profite du « calme avant la tempête » pour refaire une balade sur les falaises de la presqu’île de Crozon. L’après-midi et la soirée se passent au café. J’ouvre mon ordinateur professionnel et traite une cinquantaine de mails. Les rafales dans le port atteignent les 30 nœuds. Le bateau est sérieusement secoué. La tempête m’empêche de dormir avant 4 h du matin. Je vérifie les prévisions météorologiques pendant mon insomnie et décide de postposer le départ – initialement prévu vers 7h – à 13h.

Tour Vauban à Camaret-sur-Mer

Après une nuit blanche et un dernier cappuccino en terrasse sur les quais de Camaret, nous prenons la direction du Raz de Sein. La première heure le vent nous permet de tenir un bon rythme face à la houle résiduelle de la tempête. Le moteur prend le relais lorsque le vent tombe et nous faisons escale à l’île de Sein. C’est une petite île isolée avec à peine 195 âmes, située quelques centaines de mètres du fameux Raz de Sein où la mer devient impossible lorsque vent et courant s’opposent. Le courant peut atteindre 10 nœuds. Bref, pas le moment de rigoler. Vu l’absence de port « en eaux vives », les visiteurs sont peu nombreux. Ce soir-là, nous ne sommes que deux bateaux visiteurs à nous échouer. L’instant est magique. Nous sommes au bout du monde.

Île de Sein

Îles du bout du monde: Sein, Glénan & Belle-Île

A terre, on se promène jusqu’au bout de l’île, au phare de Sein. Sur les quais du « centre-ville », nous retrouvons de nombreux îliens. Assis sur des bancs bricolés. Jouant à la pétanque. Ou comme nous, profitant d’une bière de « chez Bruno ». Nous sommes (quasiment) les seuls visiteurs et vivons un vrai moment d’intimité « îlienne ». Durant la tempête de la nuit dernière, les rafales de vent ont dépassé les 140 km/h (soit 75 nœuds). Pendant que certains préparent le dîner, on prend des images aériennes de ce petit paradis avec le drone de Jens.

Île de Sein

Réveil très matinal et brutal. La marée descend et le port à échouage de Sein ne nous laissera bientôt plus partir. Il n’est même pas 6h lorsqu’on allume notre « Volvo » pour partir en catimini. Le soleil n’a pas encore pointé le bout de son nez. La journée est particulièrement frustrante. On tire des bords « carrés » face au vent. On progresse à 4 nœuds à peine vers le Sud. Des dauphins joueurs viennent égayer notre matinée dans la baie d’Audierne. A 15h, Dragon Océan est enfin amarré à un coffre dans l’archipel des Glénan. Des centaines de voiliers (catamaran, laser, 5.70) de l’école de voile des Glénans s’agitent sur le plan d’eau. On débarque en annexe sur l’île de Saint-Nicolas pour une courte balade, interrompue par la pluie. Dans le seul café de l’île – le Boucané – nous assistons à la victoire de Wout Van Aert sur l’étape du Mont Ventoux au Tour de France.

Promenade avant la pluie sur Saint-Nicolas

Le réveil est plus doux que les autres jours. Pas de contraintes marée ou courant en Bretagne Sud… Le bonheur peut être simple parfois ! On prend notre temps pour se mettre en route et j’en profite pour donner un petit topo sur la navigation. Calculer la distance. Faire un point par trois relèvements. Utiliser des alignements. L’objectif du jour sera de ne pas utiliser le GPS. On largue notre coffre après avoir hissé la grand-voile. Comme à l’île de Batz plus tôt dans la semaine, on quittera notre mouillage sans utiliser le moteur. (bien qu’il sera en stand-by pour la manœuvre)

A peine partis de l’archipel, la beauté nous éclate aux visages. Alors que les bateaux IMOCA de Romain Attanasio (double finisseur du Vendée Globe) et Jean Le Cam (3e du dernier Vendée Globe, 5 participations) filent juste devant nous, des oiseaux et des dauphins s’agitent dans tous les sens. Les premiers plongent de haut et à plusieurs dans la mer, les deuxièmes sautent hors de l’eau. La scène dure une bonne dizaine de minutes. On devine le banc de sardines ou maquereaux qui tente d’échapper à leurs prédateurs.

Fortinet de Romain Attanasio qui croise un voilier de l’école des Glénans
Oiseaux qui plongent dans l’eau à la pêche

Les conditions idéales espérées pendant trois semaines se mettent enfin en place. Vent de 15 nœuds de Sud-ouest et grand soleil. On change nos plans et décidons d’allonger la foulée. On n’ira pas à Groix ou Lorient ce soir, mais lofons de 20 degrés direction Belle-Île. On file enfin à 7 nœuds en ligne droite vers le but.

Clap fin

J’ai promis à l’équipage un dernier émerveillement pour ce soir… et le port de Sauzon sur Belle-Île ne manque pas son effet. Les quais sont animés, les voiliers de passages nombreux, les terrasses bruyantes,… On en oublie de préparer notre manœuvre de prise de bouée (avant & arrière). L’avant-port qui reste en vives eaux étant plein de voilier, on s’enfonce dans le port à échouage (grâce à notre voilier dériveur intégral) en suivant le canot du maitre du port. On manque de se foirer totalement. L’Ovni 395 étant une vraie savonnette, je dérape sur l’eau avec le vent qui monte légèrement. Marche avant, marche arrière. Avant, Arrière. Gros coup de gaz. On resort de l’emplacement devant une dizaine de spectateurs sur les bateaux voisins. Heureusement pas d’égratinures. La deuxième sera la bonne.

Sauzon à Belle-Île

Epilogue

Tout termine comme cela a commencé. Au restaurant. A Sauzon. Au menu pour notre dernière soirée ensemble. Huîtres et Lotte au « Grain de Sel». Merci à tous !

Itinéraire de l’Aberwrac’h à Quiberon

Tréguier – Saint-Malo – Aberwrac’h [Bretagne 2021]

On entame cette deuxième semaine de navigation à Tréguier. Après un café sur la place du village , on part explorer le chantier naval du village. Des dizaines de bateaux sont sur leurs bers à attendre des meilleurs jours et retrouver l’eau. Je suis étonné de voir neuf Boréals entreposés. Ces bateaux en aluminium sont conçus pour explorer les pôles nord et sud. Avec les neuf Boréals vus dans le port de Tréguier, cela fait 18 boréals au total. C’est une belle réussite pour les deux Jean-François à l’origine du chantier. Mais un peu triste d’en voir autant attendre de faire de beaux voyages.

Boréals alignés chantier Tréguier
Port de Tréguier

Nous partons peu avant la marée basse en direction de l’archipel de Bréhat. Au lieu de contourner le phare des Héaux-de-Bréhat, nous empruntons des petits chenaux – La Gaine et la Moisie – qui servent de raccourci. J’empruntais ces mêmes chenaux il y a plus de 15 ans, sans gps. C’était une navigation risquée où il fallait tenir deux amers blancs avec marque noire (le chenal de la gaine) sur une même ligne (alignement), ou encore l´amer du Rosédo avec le clocher de La Chapelle Saint-Michel pour le chenal de la Moisie. La difficulté n’est plus la même avec un iPad qui sert de gps avec une belle cartographie.

A Bréhat, on prend un coffre (une bouée) dans la baie de la Corderie au Nord-Ouest de l’île. La majorité de l’équipage part se promener, à la découverte des jardins soignés et goûtant des fleurs de capucines. A notre retour, un festin nous attend. Gratin dauphinois, parmigiana et saucisses. Les saucisses et merguez auront été au menu pendant une semaine entière suite à une erreur d’appréciation au moment de l’avitaillement.

Jolie maison à Bréhat

Le lendemain, on finit mon quatuor favori de chenaux avec le Kerpont et la Trinité (+ Moisie et Gaine) jusqu’à Paimpol. Dans le port, on s’amarre sur les pontons des Glénans. Quelle nostalgie! C’est là que j’ai appris à naviguer il y a plus de 15 ans et que j’ai passé mes étés pendant 5 ans. Je suis vraiment ému. C’est idiot.

Pas le temps de traîner à bord. À 11h on s’installe sur la terrasse de « l’Époque » pour un premier café. Une journaliste du Télégramme nous prend en photo et 5 min plus tard nous sommes sur la page d’accueil du quotidien breton. La ville des Côtes d’Armor est en ébullition en ce dimanche matin, le Tour de France (cycliste) va y passer. Après des centaines de voitures publicitaires, un sandwich et quelques cafés à notre terrasse en première loge, les coureurs arrivent à fond. En quelques secondes ils défilent et tout le monde rentre à la maison.

Les belges à fond dans le Télégramme – Tour de France à Paimpol

Notre journée sportive n’est pas finie. Le soir, sur la terrasse de la Paillote, nous assistons au match de foot Belgique – Portugal (1-0).

Nous passons toute la journée en mer et à la voile entre Paimpol et Saint-Cast-le-Guildo. Un dauphin solitaire nous salue dans la baie de St Brieuc. Nouvelle soirée foot dans un restaurant France – Suisse (3-3 et élimination française aux pénaltys). La pluie ne nous rate pas en rentrant au port à pied.

Dragon océan

… déjà le dernier jour pour le premier équipage. En deux heures on couvre les 8 Milles nautiques jusqu’à Saint-Malo. On écluse pour accéder au bassin Vauban avec un Figaro 3 qui va participer à une course. Dragon Océan, notre voilier, est amarré au pied de la ville close.

Ovni 395 au pied de la ville close

L’après-midi on se balade sur les remparts puis jusqu’à l’île du Grand Bé, accessible à pied à marée basse et abritant la tombe de Chateaubriand. Le dîner est de toute grande classe. Le restaurant la Corderie offre une vue sur Dinard et sur le barrage de la Rance. Au menu: Spritz Breton, Huîtres, Lotte et dessert accompagné d’un Chardonnay. On finit la soirée à la Trinquette – yacht club repères des marins qui participent au Tour de Bretagne en Figaro 3. Ils s’élancent dans 2 jours et feront le même parcours que nous.

Sur la plage de Saint-Malo

Julien quitte de trop bonne heure le voilier et les filles – Maëlle, Fanny et Amandine – vers midi. Avec Stijn, on en profite pour faire une petite lessive au centre ville.

La journée continue avec des courses en chariot avec Jens et Aude qui viennent d’arriver. En moins de 30 minutes (!!), on trouve tout ce qu’il nous faut pour les 10 prochains jours. Au retour on longe une vingtaine de Figaro 3 qui participent à la course. Je reconnais quelques skippers connus (Tanguy Le Turquais, Alexis Loison, Nils Palmeri).

Figaro 3 à Saint-Malo pour le tour de Bretagne

On continue par une balade dans la cité Vauban et un apéro avec vue sur les chenaux de Saint Malo. Nos voisins de table sont victimes d’une attaque de goélands. Retour au bateau et dîner cabillaud à bord.

Coucher de soleil & apéro à Saint-Malo

Premier jour de navigation avec la nouvelle équipe. Stijn et moi n’avons pas beaucoup besoin de parler pour se comprendre et savoir ce qu’il faut faire.

Après le passage de l’écluse, on poireaute 30 min devant la station gasoil des Bas-Sablons car un couple de touristes prend tout son temps pour faire le plein de son pêche promenade. Les premières heures sont au moteur avant de profiter d’un bon 15 noeuds de vent. Dragon Océan file à 7 noeuds. La pluie s’invite.

On s’arrête à Bréhec pour récupérer Jérôme et Margot en annexe avant de finir la journée au moteur à Bréhat, au mouillage de la chambre. Notre voilier étant un dériveur intégral, on entre assez loin dans la crique avec notre petit tirant d’eau, tandis que de nombreux navires jettent l’ancre dans le Ferlas moins bien abrité.

Embarquement d’équipiers à Bréhec
La chambre à Brehat

Le matin, on fait tous une longue balade jusqu’à l’île nord. Au retour, nous croisons de nombreux touristes d’un jour fraîchement descendus de la vedette. On en profite pour acheter une nouvelle bonbonne de gaz.

Les dieux de la météo ne sont pas avec nous. C’est au moteur qu’on va jusqu’à Batz. On arrive relativement tard et filons au pub de l’île pour assister au match Italie Belgique (2-1). Les français ne manquent pas de nous chamailler.

En Bretagne Nord, il s’agit de toujours avancer avec le courant, qui est favorable pendant 6 heures avant d’être contraire les 6 heures d’après. En attendant la marée favorable, nous faisons un petit tour sur l’île de Batz. On part à la voile de notre mouillage dans le port de Batz (sans utiliser le moteur).

Notre ovni 395 – comme de nombreux dériveurs intégraux – a beaucoup de mal face au vent. On tire des bords carrés et le vent vient de où l’on doit aller. Les premières heures, nous ne progressons qu’à 2 noeuds vers notre but (au lieu de 5 ou 6…). L’arrivée à l’Aberwrac’h devient un chemin de croix. Le vent monte à 20-25 noeuds de face. Le courant s’inverse et devient défavorable. La mer se creuse. La nuit tombe. En plus, l’entrée de l’Aber (estuaire en breton) est périlleuse avec de nombreux cailloux. La moitié de l’équipage est HS pour cause de mal de mer.

Premier soulagement au moment de passer la bouée qui marque l’entrée du chenal. On peut enfin relâcher les écoutes et arrêter de faire du près. On démarre le moteur. Plus loin on affale les voiles et enfin on s’amarre à côté du canot orange et vert de la SNSM. Il est minuit. On n’a pas encore mangé mais on est heureux d’être arrivés.

Quiberon – Tréguier [Bretagne 2021]

Déjà une semaine que nous avons largué les amarres depuis Port Haliguen – Quiberon. La première journée, traditionnellement animée par les courses et le rangement dans le bateau, a continué de belle manière par le passage de la Teignouse et l’arrivée à Ster Wenn – crique idyllique au Nord de Belle-Île. Le meilleur devait encore venir. Après avoir grimpé en haut des falaises entourant notre crique, le papa de Maëlle nous emmenait jusqu’au ravissant port de Sauzon pour un dîner au Café de la Cale. Au menu : Spritz, Lotte et tarte aux pommes au cidre avec glace vanille.

Ster Wenn – Belle-Île
Sauzon – Belle-Île

Le deuxième jour, on remonte toute la Bretagne Sud jusqu’au Guilvinec, port de pêche avec un chenal d’accès balayé par la houle d’ouest. En route nous explosons malheureusement notre spinnaker qui sera bon pour la poubelle. Quelques instants plus tard, notre Dragon Océan croise plusieurs centaines (!!) de dauphins en chasse. On finit la journée sous la pluie battante dans un bar tabac pmu du Guilvinec.

Dauphins qui chassent

La troisième journée est un enchaînement de grands moments. D’abord, le passage du raz de sein, réputé pour son courant fort et sa mer agitée. Ensuite la baie sauvage de Douarnenez et enfin le goulet de Brest avant de s’arrêter à Camaret-Sur-Mer. Le trajet se fait au moteur qui bégaie. Des algues dans le gasoil perturbent l’alimentation. Maëlle, Amandine et Julien se baignent. En fin d’après-midi nous marchons sur les falaises de la presqu’île de Crozon. Les vestiges de bunkers allemands sont entourés de cratères, témoins des bombardements alliés. On finit la soirée dans un pub irlandais avec d’autres belges pour le match euro 2020 Belgique Finlande (2-0 Vermaelen et Lukaku).

Plage de Camaret-sur-Mer
Quai de Camaret

Pas de navigation en ce mardi. Nous marchons plus de 20 km sous le soleil autour de la Presqu’île de Crozon. Les falaises et les plages s’enchaînent. Nous suivons le GR34 et croisons beaucoup de marcheurs. Je passe une bonne partie de la journée au téléphone pour essayer de trouver un mécanicien pour notre moteur. Notre voisin de ponton à Camaret est tout sauf conciliant. Il nous traite tour à tour de menteur ou d’incompétent sans véritable raison si ce n’est qu’on est à côté de son bateau.

Plages presqu’île Crozon
Pré-Filtre à gasoil

Le mécano arrive à l’aube, et en une heure change le filtre et le pré-filtre à gasoil. Il ajoute un produit dans le réservoir pour dissoudre les algues. Problem solved ouf ! On part au près vers le chenal du four, étroit passage entre la terre ferme et les îles de Molène et Ouessant. Les courants y dépassent les 5 noeuds. On tire des bords au près jusqu’à la crique de Brignogan-plages. L’ovni 395 se pose gentiment sur la vase du port. Pour Fanny, nous allons au café du port voir France Portugal (2-2).

Ovni Dragon Océan à Brignogan-Plages
Photo prise à 23:30 sur Brignogan-plages avec la lune en fond

Réveil à 6h pour Stijn, Julien et moi. On souhaite passer la journée à l’île de Batz qui n’est qu’à 14 MN et le courant n’est favorable (2-3 kts) que jusqu’à 8h. Le lever du soleil sur la mer calme est grandiose. Le reste de l’équipage émerge alors que nous sommes amarrés à un coffre dans le port de Batz. Après une belle promenade sur cette île de fermiers, nous mangeons des moules au café du port. Pour retourner au bateau, on patauge dans la vase contre la marée montante à vitesse v-v prime. Stijn finit à la nage pour nous récupérer avec l’annexe.

Dragon Océan dans le port de Batz

Alors que la marée continue de monter, on navigue au milieu des cailloux de la baie de Morlaix jusqu’à Ploumanac’h sur la côte de granit rose, haut lieu touristique de la Bretagne Nord. Les visiteurs viennent admirer les roches rosées et arrondies sur les sentiers du bord de mer. Maëlle, Amandine et Julien finissent la journée par une petite nage tandis qu’on prend l’apéro au soleil sur un caillou rose.

Apéro à Ploumanac’h

Vendredi matin, deuxième demi-journée de pluie depuis le départ. Nous abrégeons notre balade pour nous réfugier un café allongé dans un bar tabac. Vers 16h, on se met en route pour Tréguier. Le vent est mollasson mais suffisant. Un épais brouillard nous empêche de voir à plus de 1 MN. La brume se dissipe en remontant la rivière du Jaudy. Véritable madeleine de Proust pour moi. C’est un trajet que j’ai probablement fait plus d’une vingtaine de fois alors que je naviguais au départ de Paimpol l’été. Le long des berges de la rivière, les champs de blé et les prairies tombent dans l’eau. L’instant est parfait pour commencer la soirée. Le village de Tréguier n’a pas changé en 20 ans. Au centre du patelin, la cathédrale Saint-Tugdual est toujours aussi impressionnante.

Notre ovni 395 à Tréguier au milieu des Boréals du chantier juste à côté
Remontée du Jaudy vers Tréguier
Cathédrale Saint-Tugdual à Tréguier

Virtual Regatta – options pour la remontée de l’Atlantique Sud

Après 6 semaines de courses, au point Nemo, les 20.000 premiers du Vendée Globe virtuel se tenaient dans une poignée d’heures. Entre Nemo et le Cap Horn, soit 5 jours, la flotte s’est éclatée et un petit groupe de 3.000 coureurs a pris la poudre d’escampette avec un matelas de 2-3 heures déjà.

Avouons-le, le tour de l’Antarctique fut long et même ennuyant par moment, avec des voiliers à la queue-leu-leu le long de la zone d’exclusion Antarctique (ZEA). Le plus frustrant pour les leaders fut que cela revenait sans cesse par derrière. C’est-à-dire que les poursuivants bénéficiaient de meilleurs conditions météos qu’eux

Atlantique Sud – L’anticyclône qui barre la route

Décidément, l’Atlantique Sud aura joué les troubles fêtes tant lors de sa descente que de sa remontée. La faute, un anticyclone de Saint-Hélène qui prend ses aises et s’étend sur toute la largeur de l’océan. Les marins virtuels n’auront d’autres choix que de le traverser.

La situation au 26 décembre ne va faire qu’empirer. L’anticyclone devenant littéralement gigantesque.

Routages pour 3 positions différentes (24/12 à 16h)

Pour analyser le casse-tête de l’Atlantique Sud, je vais analyser les options pour 3 voiliers.

  • Tipapachéri (25ème), passé par le détroit de Le Maire, il est en route pour couper par les Malouines
  • LuxairFrance (1.909ème) – compère de Tipapachéri au sein de la team MCES – c’est tout simplement le plus gros palmarès de la voile virtuelle. Il est décalé à l’Est.
  • Ian Lipinski – double vainqueur de la mini-transat (réelle!!) et vainqueur de la dernière Transat Jacques Vabre. Cet excellent marin pointe à la 27.000ème place de la course virtuelle et est en passe de franchir le Cap Horn

Pour effectuer les routages, j’ai mis un point au large de Recife (la pointe du Brésil). Nous utilisons le modèle GFS 90 km, la polaire Virtual Regatta à 96% et le logiciel météo Squid X.

La première chose qui saute aux yeux. Les 3 trajectoires se regroupent et se suivent. Même si la situation est compliquée, les routages – peu importe la position (Tipapachéri vs LuxairFrance), où le retard en temps (Ian Lipinski) semblent unanimes, il faut faire route vers le Nord-Est. A noter que Tipapachéri & LuxairFrance devraient se rejoindre.

Cela revien(drai)t encore par derrière

Ian Lipinski, qui accuse 300 MN (15-20h) de retard au moment du passage du Cap Horn, va bénéficier de meilleurs conditions et refaire son retard.

Mise à jour le 25/12 à 10h – un break à l’avant

Une légère bascule pendant la nuit de Noël a permis au groupe emmené par Tipapachéri de passer sans encombre au travers des Malouines. Les nouveau routages leur donnent une belle avance sur LuxAirFrance. Le retard de Ian serait également conséquent.

Conclusion

Les multiples zones de vent faible à contourner vont offrir un magnifique terrain de jeu – fini le train le long de la ZEA. Cependant, et c’est l’histoire de ce Vendée Globe. Est-ce que les retardataires vont encore bénéficier de meilleures conditions et pouvoir revenir sur les leaders?

MigTheSailor – 933ème à l’approche des Malouines

Virtual Regatta – Routage 16 novembre – Atlantique Sud

La louche brésilienne ou couper le fromage? Tel est le dilemme pour la flotte des e-sailors de ce 9ème Vendée Globe au moment où ils déboulent au reaching plein sud vers le pot-au-noir. La louche brésilienne demande d’investir des milles et de s’éloigner de la route directe, tandis que tenter la route plus directe (couper le fromage) est moins risquée au niveau des classements intermédiaires

Pour rappel, en 2008-2009, cette fameuse louche brésilienne avait permis au Professeur – Michel Desjoyeaux – de revenir sur la flotte avant d’ensuite arracher un deuxième sacre sur le Vendée.

Routage au 16 novembre à 8h45 UTC

J’ai effectué 3 routages en ce 16 novembre à 8h45 UTC. (9h45 heure française). En disposant des waypoint plus sud, plus est, et en ayant une vue à 10-12 jours. Le routage Sud et Est m’envoie via la fameuse louche brésilienne.

Sur le premier graph, on voit que la route en rouge (louche brésilienne) avance mieux et passe très proche de Recife. Elle demanderait de faire un cap au 190-200 dès maintenant, tandis que la route « directe » demande de faire un cap au 170°.

Atlantique Sud

Sur le prochain graph, on voit que la louche brésilienne est gagnante sur les 2 waypoints plus au sud (et est). Il s’agit cependant d’un routage à 12 jours, faible en fiabilité.

Investissement à haut risque

D’autant plus que à l’heure où j’effectue cette première analyse, l’investissement que représente la louche brésilienne est énorme. Ainsi, le 24 novembre à 12h UTC, les bateaux seront presque à la même latitude (quoique un peu d’avance pour la route brésilienne), mais avec un décalage de 800 MN en EST-OUEST. Qui osera investir un retard de 800 MN (soit 3 jours de nav!!!) dans l’espoir de toucher des meilleurs vents?

Conclusion: trop tôt pour conclure – je reste au centre

Alors que mon IMOCA est placé entre les OUEST (Toppen, Tipapachéri) et les EST (Luxairfrance, Loskipper), je vais rester bien sagement au centre, entre les 2 options et attendre encore 1-2 jours que la situation se décante dans l’Atlantique sud. Je fais cap au 176°, compas non verrouillé pour encore 24 heures.

Virtual Regatta – Météo et Routages au 10 novembre

Ce début de Vendée Globe 2020-201 est tout simplement inédit d’un point de vue météorologique. Alors que la baston est traditionnellement réservée pour le Golfe de Gascogne et les côtes portugaises ou du moins les Canaries signifient l’arrivée des jours meilleurs. Traduisez: long surf au portant, vent d’une vingtaine de nœuds, poisson volant et le thermomètre qui grimpe. Cette édition est inédite. Les concurrents (virtuels) affronteront au moins 2 bastons entre la point de l’Espagne (Cap Finisterre) et les Alizés au Sud des Canaries.

Pascal Bidégorry expliquait il y a quelques jours: « La situation météo est beaucoup plus complexe qu’il y a quatre ans où les concurrents avaient fait du reaching dans le golfe de Gascogne, mis une voile de portant au cap Finisterre, contourné l’anticyclone des Açores et c’était parti ! Ils étaient rentrés dans les Quarantièmes en n’ayant pas du tout de mauvais temps. »

Mercredi 11 novembre : passage de front, vent favorable, puis vent faible

La météo de ce mercredi 11 novembre se comprend le mieux en l’analysant en 3 phases.

  • Phase 1: vent fort défavorable. Il s’agit de faire route vers le front le plus vite possible pour prendre les vents portant (=favorable) le plus vite possible. Avantage au bateau le plus au Nord
  • Phase 2: vent favorable au portant. Une fois le front passé, les bateaux peuvent faire cap au sud (200 puis 220°) à des grandes vitesses (20 nœuds). Les bateaux qui n’ont pas encore pas encore franchi le front n’avancent qu’à 10 nœuds face au vent.
  • Phase 3: vent faible: Mercredi après midi, une vaste zone sans vent (ou vent faible) va venir perturber la marche des bateaux vers le sud.
Phase 1: Vent fort défavorable. Les 3 bateaux (nord (jaune), milieu (vert) et sud (rose) font route face au vent
Phase 2: Vent favorable après le passage du front. Les bateaux MigTheSailor1 et Tipapacheri ont franchi le front, et ont du vent favorable. Ils avancent à 20 nœuds dans la bonne direction
Phase 3: Les bateaux longent (ou atterrissent?) dans une zone sans vent

Jeudi 12 novembre : s’extraire de la molle à tout prix !

De très nombreux skippers risquent de s’arracher les cheveux durant la journée de jeudi. Le premier enjeu sera de sortir de la molle (zone sans vent). Gare à ceux qui restent englués trop longtemps.

Ensuite, il s’agira d’enrouler la dépression (tropicale?) au large des Açores pour descendre dans du vent favorable vers le sud.

Vendredi 13 novembre – tempête tropicale Têta

Autres sources:

https://www.ouest-france.fr/vendee-globe/vendee-globe-virtual-regatta-ne-pas-rater-les-prochaines-heures-7045480

https://voilesetvoiliers.ouest-france.fr/course-au-large/vendee-globe/vendee-globe-l-heure-des-choix-nouvelle-analyse-strategie-de-mino-vittet-c8f4787a-2105-11eb-9386-cdc1164295a9

Centre de surveillance des Cyclônes: https://www.nhc.noaa.gov/

Virtual Regatta – H-5 – Briefing météo départ Vendée Globe

Routage 8 novembre à 6h UTC – Virtual Regatta – Départ Vendée Globe

Le vent sera finalement moins soutenu que prévu, une petite bulle de molle se mettant même en travers de la route des marins virtuels (flèches bleues d’une dizaine de nœuds) durant les premières heures de course. Le résultat est un premier passage de front un peu plus tard que prévu, lundi 9 nov vers 11h15 UTC (12h15 heure française). Le deuxième front devrait se franchir en début de nuit du mardi 10 novembre.

Routage 8 n ov 6h UTC – départ à 12h15 UTC Source: SailGrib

Prévisions météos golf de Gascogne 8 novembre vers 21h UTC – Source: WIndFinder

La situation à partir de mercredi 11 nov s’annonce complexe. Les marins virtuels devront gérer une très grande zone de calme devant Gibraltar ainsi qu’une dépression sur les Açores.

Roadbook pour les 3 premiers jours de course – Source: Squid

Pour aller plus loin dans l’analyse, je conseille la lecture suivante:

Bon vent !

Virtual Regatta – J-2 routage départ Vendée Globe

A J-2. Le Vendée Globe, et sa version virtuelle sur Virtual Regatta, est l’occasion de faire tourner des routages dans Squid – le logiciel de routage de la société belge Great Circle. Un logiciel de routage permet d’optimiser la route d’un voilier en fonction des polaires du bateau et des données météos.

Routages dans Squid

Paramètres de bases

Pour faire tourner le routage, j’utilise les paramètres de base suivant.

  • Polaire de vitesse du voilier (version Virtual Regatta)
  • Prévisions de vent Modèle GFS 25km
  • Date & heure départ (8 novembre 13h02 heure française)
  • Point départ & point d’arrivée

La polaire de vitesse exprime la vitesse d’un bateau en fonction de la direction et de la force du vent. Les polaires peuvent aussi varier en fonction des voiles (Spi, Gennaker, etc.) et de l’état de la mer.

Le modèle météo de prévisions a également son importance. Il en existe des dizaines (en France: arôme, arpège, etc.) qui ont chacun leur spécificités. Certains sont payants. J’utilise le modèle gratuit GFS (Global Forecast System) avec une maille de 25 km (c’est à dire qu’il prédit le vent dans des cases de 25km). Il existe aussi le GFS 112 km par exemple, qui sera moins précis.

La date et l’heure de départ sont fixés par la course. Dimanche 8 novembre à 13h02.

Le point de départ: Les Sables-d’Olonnes bien sûr. Le point d’arrivée est à choisir, car le routage ne sera précis que sur 5-6 jours, il faut choisir l’endroit vers lequel on souhaite se rapprocher le plus. J’ai pris un point proche de l’équateur, légèrement à l’ouest du Cap Vert.

Polaires de vitesse dans Squid pour Imoca ancienne génération
Ecran input de Squid – heure départ 8 novembre 2020 à 13h02 heure française – j’ai choisi 12h15 heure TU (soit 13 min plus tard)

Analyse de sensibilités

Le routage initial est basé sur une série d’hypothèses. Il est important d’analyses la robustesse du routage en analysant la sensibilité d’une série de paramètres

  • Polaire de vitesse du voilier (utiliser un facteur 0,95 ou 1,15 sur la polaire)
  • Prévisions de vent Modèle GFS 25km (utiliser un autre modèle météo)
  • Date & heure départ (8 novembre 13h02 heure française – 12h15 TU dans squid) (décaler le départ plus tôt ou plus tard)
  • Point départ & point d’arrivée (déplacer le point d’arrivée)

Sensibilité sur l’heure de départ

Je fais 2 simulations sur l’heure de départ (qui est fixe pour la course). Cela permet d’estimer la sensibilité si le système météo est en avance ou en retard par rapport aux prévisions. Les 3 courbes, scénario de base et -6 heures plus tôt et +6 heures plus tard ont grosso modo la même trajectoire et durée jusqu’au waypoint au cap vert. Un scénario où la flotte partirait bien au large, vers l’ouest (et non vers la point de l’Espagne) se confirme.

Sensibilité sur la polaire de vitesse

Je fais 2 simulations supplémentaires pour analyser la sensibilité du routage à la vitesse du bateau. Une simulation avec 5% de plus, et une avec 5% de moins. Encore une fois, les routages se confirment. Un bateau plus rapide – à 105% – pourrait virer un rien plus tôt (la courbe jaune)

Roadbook

L’outil Squid permet de lister les caps à suivre. On comprend qu’il faudra virer au moment ou le front passe (vers 5:15).

Nieuwpoort – Kristiansand – Navigation de Belgique vers la Norvège

(publication du récit d’une navigation juin 2019)

Cette semaine, nous convoyons Urga – un Etap 39 – depuis la Belgique vers la Norvège. On a prévu 7 jours (avec de la marge) pour faire presque 500 milles nautiques (= 900 km). L’équipage consiste de 5 gaillard – Miguel Stijn Livio Louis et Saad.

Un faux contact dans le relais électrique pour les instruments de navigation occupe nos premières heures à bord de Urga en ce vendredi après-midi. Stijn prend le problème à bras le corps et en profite pour programmer l’AIS avec son ordinateur. Nous venions de recevoir les identifiants. L’électricien qui « n’avait pas le temps » de venir a du mal à croire que Stijn ait réussi à programmer l’AIS.

Stijn reprogramme l’AIS

Samedi matin, après avoir par hasard découvert l’origine du faux contact, nous larguons les amarres à l’heure prévue – 11 heures. Les parents de Stijn sont là pour nous saluer. On commence par 6 heures de moteur, agrémentées par le passage de dauphins et un bon premier repas de pâtes. Tout le monde prend ses marques à bord et seul le vent manque. A hauteur du Thornton bank, nous coupons un peu trop une nouvelle zone d’éoliennes en construction et nous nous faisons arraisonner par un navire en charge de la surveillance de la zone. Heureusement ils sont sympas et nous obligent juste à faire un détour.

Vers 17h, Louis l’intrépide du bord, décide de faire une petite baignade. Nous commençons également à progresser à la voile avec un petit vent du sud de 2 beaufort. Notre premier apéro tous ensemble est majestueux. Le soleil est haut et nous sommes entourés de navires marchands en route vers Rotterdam.

La nuit est très courte – mois de juin oblige – mais intense. Le vent est capricieux car trop mollasson et mal orienté (plein vent arrière). Le traffic maritime à hauteur des ports de Rotterdam et Amsterdam est impressionnant. Des cargos s’entrecroisent dans tous les sens et nous nous sommes au milieu sur notre coque de noix. Les premières plateformes de gaz sont déjà visibles à peine au nord de Rotterdam.

Stijn à la table à carte

Vingt-quatre heures après notre départ, nous avons effectué 125 MN sur les 460 MN qui nous séparent de Kristiansand. Cette première nuit m’a rassuré sur le sérieux et les capacités de l’équipage. Stijn est un second extrêmement fiable, il barre bien, comprend la lecture de carte et l’utilisation des instruments de nav. Saad, Livio et Louis se débrouillent plus ou moins bien à la barre mais surtout sont autonomes à bord.

Étant le plus résistant au mal de mer dans la cabine (et le meilleur cuisinier ? 🙂 ), je m’occupe de la préparation de tous les repas de la semaine. Au menu du soir, couscous à la belge.

La deuxième nuit, le spectacle est à nouveau grandiose. Au nord, le soleil refuse déjà de se coucher, tandis que son opposé la lune est pleine, brillante et bienveillante. Telle un phare dans notre dos, elle nous illumine le chemin à suivre. La Norvège se trouve à 240 MN au nord. Le ciel est dégagé, la mer s’agite, le vent souffle fort (25 noeuds) du sud. Urga danse sur les vagues comme un funambule. On empanne a hauteur de l’île de néerlandaise de Vlieland. Cap toujours vers le nord.

De l’intérieur de la cabine, on peine à réaliser l’agitation extérieure. Après avoir rangé toute la vaisselle brinquebalante dans les armoires, je dors enfin plus de 2 heures d’affilée pour la première fois depuis le départ. Livio m’apprend à réussir un rubik’s cube. Ce sera mon challenge jusqu’à la fin de la semaine.

Troisième journée de mer et le vent continue de souffler à 20-25 nœuds de SSW. Le ciel est bleu et la mer couverte d’embruns. Ce sont des conditions idéales pour naviguer. Urga progresse à 7-8 nœuds sous grand-voile haute et génois. Nous croisons nettement moins de plateformes ou de navires. Les côtes danoises à 80 MN dans l’est sont particulièrement inhospitalières et j’évite de m’en rapprocher plus.

Plateforme gazière en Mer du Nord

Le pauvre Louis n’arrive pas à se débarrasser de son mal de mer. Il passe sa journée et sa nuit allongé à l’intérieur. C’est tout un cinéma quand il se lève et qu’on lui amène un peu à manger. Heureusement, Saad et Livio gèrent et arrivent à barrer Urga dans des conditions peu évidentes. Les vagues déferlantes arrivant par l’arrière, il faut sans cesse contrer la force de la vague contre le safran.

En deux jours (48 heures) depuis notre départ, nous avons parcouru 271 MN et ils nous en reste 189 MN jusqu’au sud de la Norvège. L’heure d’arrivée, initialement estimée à mercredi fin de journée, sera probablement dans la nuit (qui n’en est pas une) de mardi à mercredi.

J’ai rarement eu un équipage aussi compliqué au niveau alimentaire. L’un n’aime pas les champignons, l’autre les petits pois, le troisième les carottes ou les oignons. Bref, le cambusier a du boulot.

Le vent tombe vers 23h00. Le léger souffle qu’il reste permet d’évoluer à 4,5 noeuds sur la route direct. Louis enchaine les siestes, il a dormi 16 heures sur les 24 dernières heures.

A 4h30, lasse d’avancer à 3 noeuds dans la mauvaise direction pour faute de vent, nous allumons le moteur. Il reste 100 MN jusqu’à Kristiansand. A 10h, il ne nous reste plus que 57 MN jusqu’au mouillage pour ce soir. Le soleil est de plomb et la mer soudainement d’huile. On teste le drone de Stijn en navigation. Les images sont belles mais nous n’anticipons pas comment le récupérer. Des systèmes anti collisions l’empêche de se rapprocher du voilier. Tant bien que mal, j’arrive à l’attraper en vol sans me couper les doigts.

En fin d’après-midi, nous éteignons le moteur et continuons à la voile. Nous atterrissons dans un petit mouillage idyllique à 20 MN de Kristiansand. Je dois m’y reprendre 2 fois pour bien mettre le mouillage et frapper l’amarre à terre. Au moment de remonter l’ancre la première fois, le moteur cale. Panne sèche ? En hâte nous déversons les 20L du bidon de réserve dans le réservoir.

Nous allons tous à terre en annexe et spontanément on s’embrasse tous. On est fier de ce que nous venons d’accomplir. 460 MN depuis la Belgique sur la route direct avalés en 3 jours et 10 heures. On a négocié des passages délicats et navigué au grand largue pendant toute la traversée. Louis passe la nuit à terre à la belle étoile mais le regrettera. Des milliers de moustiques viennent le réveiller.

Premier mouillage en Norvège

Mercredi, nous allons à Mandal, petite ville de 15.000 âmes qui a la particularité d’être la plus sud du pays. Comme souvent après une longue période en mer, on ne fait pas grand chose dans la ville. Fast food – café. La ville est toute proprette mais pas très fun. En plus il pleut.

Mandall – Norway

Le lendemain on zigzague entre de nombreux îlots. Louis pêche une truite mais la rejette aussitôt à la mer. Stijn joue avec son drone. Livio explore la baie en annexe. On passe la nuit amarré à un ponton avant de rallier Kristiansand.

Ponton comme il en existe des miliers en Norvège

Un magnifique parc avec des beaux lacs surplombe la ville. On s’y baigne. La ville est en ébullition (pour des norvégiens c’est-à-dire un rien animée) et profite de ces journées d’été. Il y a un grand concert sur la place centrale. La star du soir est Wyclef Jean (ex- Fugees).

l’équipage arrivé en Norvège

Livio continue son périple en stop vers Stavanger. On rejoint l’aéroport de Kristiansand en Tesla X. On annonce des perturbations à Oslo où nous devons prendre une correspondance. Notre vol vers la Belgique est annulé et nous passons la journée à Oslo au frais de la compagnie aérienne… j’aurai de la chance d’avoir une place tôt le lundi matin tandis que certains devront attendre le lundi soir pour rentrer chez eux.

Ijsselmeer & Waddeneilanden – croisière familiale

C’est souvent paradoxal. On connait mieux les villes (ou les mers) loin de chez soi que celles tout près. C’est ainsi qu’en plus de 15 ans de navigation, je n’avais jamais mis les pieds sur ces petites îles basses au Nord des Pays-Bas, les Waddeneilanden (aussi appelées les îles de Frise).

St Helena – bavaria 45

C’est avec la (belle-)famille que nous embarquons à Lemmer sur un Bavaria 45 de location. Il est spacieux et confortable à l’intérieur, idéal pour le « WAF » (Woman Acceptance Factor) mais lourd et peu marinisé. La grand-voile sur enrouleur m’embête déjà. La météo tout au long des 3 jours de ce week-end pascal est excellente, grand soleil et une quinzaine de nœuds de vent. Que demander de plus ?

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Carte des Waddeneilanden (Îles de Frise)

Notre voilier St Helena (en référence à l’Anticyclone St-Hélène en Atlantique Sud) avance au moteur pour les 30 premiers milles de notre périple, entre Lemmer et le Lorentzsluis. Cette double écluse nous permet de quitter l’Ijsselmeer (où il n’y a pas de marée) pour rejoindre la Waddenzee. Bien que la marée y est relativement faible (2 mètres de marnage), les courants sont forts (3 nœuds) et les chenaux très étroits. Pour compliquer le tout, le trafic est intense, il y a de très nombreux voiliers, mais aussi des vedettes et autres ferrys reliant les îles au continent.

Extrait Navionics pour le Waddenzee entre Harlingen et Vlieland
Extrait Navionics pour le Waddenzee entre Harlingen et Vlieland

Ces trois heures au moteur, alors que le vent est encore mollasson, me donnent l’occasion de faire un petit briefing sécurité. Hormis – la femme du capitaine – Mano, l’équipage a peu d’expérience de la navigation en voilier de croisière. La difficulté est toujours de garder le curseur sécurité assez haut. Les principaux risques sont la collision (avec un autre bateau), le talonnage ou l’ensablement (si la profondeur est insuffisante), l’accident domestique (brûlure à la cuisine, chute sur le pont, brûlure en maniant les cordages) et les manœuvres d’accostage (écluse, port). Les risques d’homme à la mer, de voie d’eau ou d’incendie sont moins probables et pas aussi dramatiques car nous sommes en permanence à moins de 5 MN de la terre. Un appel GSM sur le 112 et on sera rapidement aidé.

Heureusement, le vent ESE se lève pour la deuxième partie de cette longue journée de navigation (50 MN). Nous remontons d’abord du Lorentzsluis vers Harlingen, puis longeons le Pollendam (en restant entre les bouées vertes et jaunes). Gab est à la barre de St Helena et le fort courant traversier nous oblige à avancer en crabe. On tire enfin des bords dans le West-Meep avant de prendre le Slenk jusqu’à Dellewal sur l’île de Terschelling. Le port est bien rempli. Il y a une vingtaine de vieux gréements typiquement hollandais dans l’avant-port. Ils emmènent les touristes à la journée dans le Waddenzee. Le Bavaria 45 est difficile à manœuvrer avec son haut fardage de prise au vent.

On commence la deuxième journée par une grande balade à vélo sur l’île de Terschelling. Ensuite, St Helena nous emmène jusqu’à l’île voisine de Vlieland distant de quelques milles seulement mais nécessitant une navigation précise entre les bancs de sables. Le port de Vlieland est animé et l’ambiance à la fête.

Au retour vers Lemmer, notre port de départ. Nous nous faisons une belle frayeur en passant trop près d’une bouée cardinale tribord. On finit le week-end par une belle manoeuvre de port. Plus qu’à rouler 3 heures jusqu’à la maison.

Grevelingenmeer – première navigation de l’année

Week-end du premier avril nous avons emmené pour la première fois Gloria sur un voilier. Au programme un aller retour entre Sint-Annaland et Brouwershaven dans le Grevelingenmeer. Bien que le vent fut très bon et la pluie absente … il a fait polaire !

On a découvert les joies d’avoir un chauffage (au diesel) à bord et la cabine était en permanence chauffée à bloc pendant que dehors on se pelait les miches 🙂

C’était aussi l’occasion de naviguer « en solo » car un de nous deux devait en permanence s’occuper de Gloria !

Le samedi soir à Brouwershaven, nous tombâmes sur la fête du village et mangeâmes au ´t Swarte Schaep un super mixed grill.

Dimanche matin, après une petite balade dans le bled et un capucino au « Moeders » on repartit dans le sens inverse en faisant une petite boucle par le village de Scharendijke ! L’aprem le soleil pointa même son nez et on rentra sans accroc à Sint-Annaland.

Sporades (Grèce) – paradis caché de la voile

C’est au près et sous un ciel gris que nous parcourons les premiers milles à bord de Alkinoï, un Sun Odyssey 39 loué pour deux semaines au départ de Volos. Nous sommes arrivés la veille dans cette ville sans charme particulier, située à mi-chemin entre Athènes et Thessalonique. Les touristes y sont rares car ils vont directement sur la populaire Skiathos. L’ambiance dans la ville et sur le long quai du port y est donc plus agréable.

Il y a une vingtaine de nœuds de vent (5-6 beaufort) et le voilier gîte malgré les tours dans la grande voile et le foc de petite taille. Le Golfe de Volos offre un espace abrité mais avec un vent fortement influencé par le relief. Après deux heures, le vent tourne progressivement, on choque les écoutes, on abat,…

J’en profite pour faire des exercices de HLM (homme à la mer) en jetant à l’eau un seau et un pare-battage par dessus bord. Je drille l’équipage aux quelques réflexes à avoir en cas de chute d’un équipier par dessus bord. C’est pendant les premières secondes que tout se joue. On crie pour prévenir tout le monde. Une personne est désignée pointeur, elle ne doit pas quitter le HLM des yeux. Une autre enroule le génois. Une troisième borde la grand voile puis s’active pour préparer la remontée du HLM à bord (le seau et le pare-battage). Enfin je gère la manœuvre à la barre et démarre le moteur. Si je tombe à l’eau, Mano occupera ce rôle. Nous faisons deux fois l’exercice, nous y parvenons en moins de 3 minutes, ce qui évite de paniquer au cas où…

Première et unique tempête

Afin d’éviter la tempête qui s’annonce pour l’après-midi et la soirée, nous nous arrêtons à Trikeri, petit port à la sortie du golfe de  Volos. Nous serons trois voiliers amarrés ici pour les 24 prochaines heures. Le lieu est très isolé et les quatre restaurants font le plein à midi mais c’est carrément désert le soir. Devant notre bateau, le plus grand restaurant. Les serveurs viennent vider les poissons juste devant nous et jettent les intestins à la mer. Après le service de midi, on y va pour prendre un café « frappé » (#3 des vacances déjà) et on tire un câble électrique pour avoir l’électricité à bord.

Pendant que l’équipage siestouille, je monte jusqu’au « vrai » village de Trikeri, situé 300 m plus haut, une petite heure de marche. Dès qu’on est abrité du vent, le mercure monte au delà des trente degrés. La vue est sublime, on a l’impression de voir des fjords norvégiens… je suis surpris par le peu de bateaux. À mon retour, tout le monde dort encore… une fois réveillés, on entame la soirée.. baignade, apéro, … puis dîner au restaurant devant notre bateau. La météo est devenue exécrable et il pleut comme un 21 juillet.

Après une matinée de glande relative à cause de la météo pourrie, nous déroulons les voiles pour rejoindre l’île de Skiathos. La navigation est particulièrement agréable avec un vent soutenu mais une mer calme. Le décor est majestueux, des montagnes qui tombent dans la mer, on se croirait presque seul au monde. Contrairement aux Cyclades ou au Kornati (Croatie) qui sont arides, les îles des Sporades sont majoritairement boisées. On jette l’ancre devant la plage de Koukounias. Pierre et Arnaud nagent jusqu’à la grande plage déserte à cause du mauvais temps. Vous devinez la suite, – apéro – dîner à bord… on passe une très mauvaise nuit à cause d’un minuscule clapot qui fait rouler le voilier et cause un bruit infernal à bord. Au milieu de la nuit, on se retrouve même avec Pierre et Louis sur le pont pour essayer de réduire les bruits intempestifs.

C’est donc avec une tête des mauvais jours que nous partons pour Skiathos – la ville. Tout l’équipage retourne faire la sieste pendant les deux heures de nav. À nouveau, le vent est bien présent et nous n’utilisons pas le moteur. Arnaud barre et on tire des bords à l’approche de Skiathos. Le mouillage est bien abrité et chargé. L’eau est turquoise et on pourrait presque se croire au Marin en Martinique. Sauf que… des avions de ligne nous survolent à 50 mètres d’altitude et se posent 2 km plus loin. Des ferrys vont dans tous les sens. Des bars et des discothèques, et les milliers de touristes (anglais) qui vont avec envoient du son. La petite ville de Skiathos a beaucoup de charme, on monte jusqu’au clocher qui surplombe l’agitation.

On navigue encore quelques heures jusqu’à Skopleos. On y amarre dans un petit port  – Neo Klima – trouvé un peu par hasard. Le port y est de nouveau gratuit, il y a une plage à moins de 50 m avec une douche … oui une douche… eau douce à volonté pour se laver… 🙂 ! A côté de nous, des retraités français qui naviguent sur leur voilier en Grèce 6 mois par an. Ils accueillent leurs petits enfants cette semaine.

Skopelos

Après le repas du soir, on joue « comme d’hab » à « Président »… Jeu débile mais révélateur de caractère… Je déplore cependant la mise en place de « l’alliance tous contre le capitaine… »

3 visiteurs à bord pour une journée farniente

Journée inhabituelle. En plus de faire la vaisselle du lendemain de la veille, les hommes du bord ont également récuré le pont avant l’arrivée de trois amies anglaises à bord pour la journée. Elles débarquent équipée de 4 bouteilles de Prosecco qu’elles siroteront tout au long de la journée. Nous naviguons sous le vent de Skopelos et hormis les 2 premières heures, c’est plutôt calme. A midi on s’arrête à Staphylos, petite crique bien bondée… Baignade bien rafraîchissante puis lunch… ! Pierre a transpiré de toutes ses pores à l’intérieur en cuisinant.

Devant tant d’hospitalité, nos trois anglaises se proposent de faire la vaisselle. Après quelques explications comme, la vaisselle c’est dans un seau à l’eau de mer, elles se mettent à la tache avec bonne humeur… jusqu’à ce que le petit drame arrive. Venetia casse un verre maladroitement… Evénement récurrent sur un voilier, elle est tellement désolée qu’elle paiera une tournée pour s’excuser le soir 🙂 ! (notons… 3 ans plus tard, Venetia épousera Arnaud 😉 )

On finit la journée au moteur pour rejoindre la belle ville de Skopelos. De même envergure que Skiathos, elle est beaucoup plus calme. On dînera au resto puis on prend un verre dans un super bar de la vieille ville.

Alonnisos la méconnue

Plus on s’éloigne du continent ou de Skiathos, plus cela devient sauvage. En cette journée de pétole molle (=pas de vent), nous ne parcourrons que quelques milles jusqu’à Nisos Alonnisos (l’île Alonnisos). Autant l’île se révèle charmante, autant le maître du port devra réviser ses cours de politesse. Il nous accueille à grand engueulade pour raison inconnue, puis nous fait payer (pour la première fois du séjour) un montant mirifique de 5€ pour la place port…! Quand je pense à nos amis à la Côte d’Azur ou en Croatie qui paient 30-40 voire même 100 € la nuit…

Nous nous levons de bonne heure après une nuit paisible. Petit dej dans un tout nouveau snack bar qui n’a jamais eu 6 commandes à la fois… On loue des quads pour la journée et explorons l’île par la terre et non par la mer. Le routes sont bonnes et les voitures rares, ce qui rend le périples vraiment top. Notre premier arrêt est au village médiéval au sommet de la colline, où un défi d’homme forcera Pierre à manger une mante-religieuse et Louis à boire de l’ouzzo … à 10h du mat… On poursuit la route jusqu’à une petite plage calme, eau turquoise, soleil brûlant… vous imaginez le truc 🙂 ! On pousse ensuite nos quadricycles jusqu’à la pointe nord de l’île où la seule âme qui vive sert des poissons frits préparés dans sa roulotte.

On passe la nuit à quelques milles du port d’Alonnisos au mouillage. En route pour la réserve naturelle de Kira Panagia, on fait escale sur l’île inhabitée de Peristera. Arnaud et Pierre envisagent une balade à pied sur l’île. Hélas, Pierre ne résiste à l’envie de se piquer à un oursin et leur balade est annulée… c’est au moteur qu’on finit la route jusqu’à Kira Panagia. Il y a beaucoup de voiliers dans la grande crique à l’ouest ainsi que quelques pêcheurs. Pendant que Mano & Roxane profite du soleil et de l’eau crystalline, les garçons tentent de traverser l’île à pied jusqu’à un monastère. On croise des chèvres sauvages et une tortue de terre, avant d’abandonner à cause de la chaleur et l’absence de chemin.

Nous avons atteint le point le plus lointain de notre port de départ – Volos. Le jour suivant, nous commençons par le tour de l’île à la voile pour aller voir ce fameux monastère. Nous jetons l’ancre dans une petite crique sous la chaleur écrasante. Le monastère est très bien entretenu et clairement habité, mais nous ne voyons personne. A notre retour, nous abordons un petit pêcheur qui fait sa sieste dans sa barque. Il a quelques langoustes à nous proposer… et souhaite en échange une bière fraîche !! Ni une ni deux, 3 bières valent 3 langoustes ! La fin de journée est longue, nous naviguons vers Alonnisos.

Le lendemain, c’est retour sur Skopelos. Pendant la sieste de l’aprèm dans la crique de Agontas, je me fais piquer par un guêpe… Cela va gonfler rapidement et me poursuivre pendant une semaine. Le bateau voisin est un Outremer 45 (bateau préféré du capitaine), dont le propriétaire se baigne à poil. Nous passons la nuit dans la baie de Panormos, à l’écart d’une énorme armada de voiliers (yacht week?). Pierre et Arnaud – épris de liberté – vont explorer les bars du coin et reviendront tant bien que mal en annexe…

Skiathos la branchée

… ce n’est que l’échauffement car la pire/meilleure nuit doit encore venir. De retour à Skiathos, nous mouillons à quelques centaines de mètres des bars branchés de la ville et pas loin de l’aéroport… Grave erreur… Il sera impossible de fermer l’œil de la nuit car les « beats » ne s’arrêteront qu’après le lever du soleil. Pour couronner le tout, le vent se lève, les bateaux bougent dans tous les sens et on est coincé sans annexe (zodiac) à bord… Car les 2 comparses ne sont toujours pas de retour…

La journée sera longue mais heureusement agrémentée d’un bon vent et de dauphins. Nous rentrons dans les terres et passons la nuit dans le port de Oraioi (je n’ai pas inventé le nom). C’est nettement moins touristique… après 15 min de calcul avisé, le maître de port nous réclame 4,27€ de ‘droit de port’. La bourgade est authentique et j’en profite pour faire un passage à la pharmacie.

Pour notre avant dernier jour, nous retournons dans le golfe de Volos et la chance nous sourit ! Après le traditionnel arrêt pour un café glacé, nous jetons une énième fois notre ligne de traîne à l’eau… qui sait… et bien oui ! Alors que nous sommes presque arrivés, un magnifique thon se jette sur l’appât… On le dégustera sous toutes les formes, cru, cuit, mi-cuit, tartare, …

Le retour à Volos se passe sans soucis. On passe le début d’après-midi en ville avant de prendre un vol direct TUI vers Bruxelles.

Pourquoi on a adoré les Sporades à la voile

  1. C’est magnifique, les montagnes qui tombent dans la mer, c’est boisé et vert contrairement à d’autres régions (Kornati, Cyclades) qui peuvent être très arides
  2. Les Grecs sont très accueillants, contents de nous voir
  3. C’est relativement calme, il n’y a pas de milliers de touristes, on ne se bouscule pas dans les ports, seule exception peut-être Skiathos
  4. Le plan d’eau est facile, il est abrité protégeant de la houle, il y a peu de courant, les étapes sont courtes, et pas de pièges ou cailloux à éviter

Les Sporades (extrait Navionics)

5 conseils pour éviter la mutinerie à bord d’un voilier

Je viens de retrouver un texte écrit il y a plusieurs années et jamais publié…

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Quelques semaines ont passé depuis cette dernière traversée où l’ambiance n’était pas au beau fixe dans l’équipage. Partant de cette expérience ainsi que d’autres stages aux Glénans un peu foireux,  voici ce que j’en retiens

« Une tribu d’Indiens ne peut avoir qu’un chef »

Pendant cette dernière traversée, les frictions sont apparues à cause du syndrome que j’appelle « les chefs de Tribu ». En effet, l’équipage du voilier était composé de trois propriétaires de bateaux et deux chefs de bord confirmés (qui en réalité avaient probablement plus d’expérience que les propriétaires).

A bord, le manque d’organisation, de consignes, de définitions claires des rôles, de concertation avant les décisions, de changement incessant de ces décisions… ont mené à une vraie cacophonie. Les égos se sont entrechoqués, tout le monde pensant savoir mieux que l’autre … Un bateau ne peut pas avancer correctement s’il y a plusieurs chefs…

chef indien

Une tribu d’Indiens ne peut avoir qu’un chef

Comme jeune skipper, c’était avant tout le manque de participation des équipiers aux décisions qui m’avait été reproché (je crois), un peu dépassé par les éléments, je ne laissais pas l’équipage « décider » alors que le niveau général était très bon.

Pendant la croisière en Écosse j’avais laissé plus de liberté à l’équipage. Durant la première semaine du cabotage dans les lochs, les équipiers avaient décidé de passer par le canal de Crinan, c’était une expérience géniale bien qu’à la base j’étais personnellement « contre »! Plus tard lorsque des problèmes sont apparus, comme les déchirures à répétition de la Grand Voile, ils ont géré la réparation de manière autonome, trouver une voilerie ouverte, l’appeler, gérer le transport de la voile, etc. Cette approche plus relax, a permis de laisser des soucis sur le dos de l’équipage (la réparation de la voile, le choix de l’itinéraire…) et en même temps d’avoir moins de mal à imposer des décisions « dictatoriales », ou prises sans concertations. J’avais par exemple une nuit de quart décidé de ne pas réveiller un équipier au changement de quart, la personne en question était malade en permanence, ne tenait clairement pas le coup physiquement… On ne s’est aussi pas arrêter aux Scilly. Ces décisions n’ont eu aucun mal à passer.

Trucs et astuces pour gérer son équipage

Alors qu’un bon chef de bord n’aura en général pas de mal à gérer des débutants, le skipper étant « le sauveur » dans bien des situations. Voici quelques recettes éprouvées qui ont fonctionné avec des équipages « compétents ».

  1. Valoriser l’expérience des équipiers
    Un équipier confirmé n’aime pas être pris pour un imbécile, il a aussi son avis sur tout ou presque. Il faut impérativement le laisser participer aux décisions. Ainsi, pour l’élaboration du programme de la semaine, j’explique les contraintes (de retour à 9h le samedi matin, dépression sur la fin de la semaine donc vent du NW, tirant d’eau 2m50, marées importantes… – le mieux est qu’il ait déjà une idée des contraintes), mes envies (j’ai été 5 fois à Saint-Malo cette année, jamais à Jersey…) et mes recommandations (fest noz à Tréguier mercredi). L’itinéraire qu’ils choisiront correspondra souvent à l’itinéraire que je m’étais fixé. De plus, quand fatigué, à la bourre, je n’aurai eu le temps de me faire un programme, les équipiers le fixeront pour moi, ils porteront aussi une partie de la réussite de la navigation ! Comme expliqué plus haut, le fait que 90% des décisions étant prises par l’équipage, les 10% qui restent pourront être imposées facilement.*
  1. Montrer sa maîtrise
    Étant skipper assez jeune, j’ai souvent cru que j’aurais un problème pour m’imposer comme chef de bord, difficile à 20 ans d’être le chef d’un chef d’entreprise propriétaire de bateau depuis 15 ans…La légitimité se joue au niveau des qualifications (diplômes), expérience, compétences techniques et savoir humain. La meilleure façon d’être reconnu et écouté est de partager des petites astuces et de montrer ses qualités humaines. Le fait de récupérer un HLM** tout seul sous spi en 3 min, aura un effet « waw » mais n’imposera jamais le respect des équipiers. Expliquer en détail comment gérer « la cape »***, reconnaître les feux de nuit, arriver en solitaire à quai… aura un bien meilleur effet. Préparer un gratin dauphinois le troisième jour de mer par force 7****, nettoyer le vomi, mener un concours de blague, ou jouer de la guitare… sont de bonnes idées.
  1. Pour éviter les problèmes de discipline, laisser fixer les règles par les équipiers.

–       Quand est-ce qu’on s’attache ?
–       Quand il y a trop de vent…
–       Ca veut dire quoi trop de vent ?
–       Force 4 !
–       Force 4, de nuit à 2 sur le pont au milieu de la mer d’Irlande ?
–       …

Conclusion on s’attache de nuit, ou quand le vent dépasse 20 kts, ou quand on manœuvre sur le pont avec plus d’un mètre de houle. BIEN. C’est désormais leur règle, consignée dans le livre de bord, à eux de la respecter !

  1. Alterner la fusion et la fission
    La difficulté en voilier est la fusion totale entre équipiers: on mange, on dort, on chie, on vomit, on boit, on se lave, on pleure ensemble. L’intimité grandit très vite et cela se passe généralement bien, on est les meilleurs amis alors qu’on se connait depuis 10 heures ! Lorsque vous arrivez au port, profitez-en pour opérer la fission, chacun dans son coin, je cuisine pendant que vous prenez votre douche, je me promène pendant que vous faites les courses ! Une bonne séparation de quelques heures fera le plus grand bien.
  1. Organiser des conseils de crise quand tout va bien
    En effet, lorsque la situation s’envenime, le skipper est souvent mêlé, difficile de prendre le recul nécessaire pour parler calmement de la situation. Le fait de s’entretenir sur l’ambiance permettra de déceler les frictions entre équipiers, et les points sensibles.

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* Naviguer n’est pas de tout repos, en effet, le chef de bord ou skipper devra prendre sans arrêt des décisions. Où va-t-on ? Avec quelles voiles ? Qui est de quart ? Quand s’arrête-on ? Que mange-t-on ? Qui fait la manœuvre de port/porc ?

** HLM : Jargon Marin français pour Homme à la Mer (et non pas Habitation à Loyer Modeste).

*** La cape : allure ou le bateau est à l’arrêt, travers au vent, et facilite la récupération de l’HLM.

**** Comme on disait pour les femmes qui « retiennent » leurs hommes par l’estomac, rien de mieux qu’un bon repas pour remettre l’équipage en selle.