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Convoyage en hiver, de la Bretagne à la Belgique

Deux jours à tourner en rond au Crouesty suffisent. Ce hameau situé à la sortie du Golfe du Morbihan, à côté de Port Navalo, est devenu en 40 ans un lieu incontournable de la navigation de plaisance en Bretagne Sud avec plus de 1.400 emplacements à flot. On quitte le port en début de matinée après un bon petit déjeuner.

Le vent souffle du NW (nord-ouest) et le premier bord en direction du passage de la Teignouse est grisant. Grand Voile haute et génois déroulé, notre Oceanis 40 déboule à 8 nœuds au travers. A la sortie de la Baie de Quiberon, on lofe au près. Le vent grimpe à 20 nœuds et la mer est encore agitée du coup de vent de la veille. Nos estomacs sont à l’épreuve mais tiennent le coup. Je remonte le moral à coup de “Pain Saucisse”. Recette devenue incontournable à bord.

On tire des bords au près pour gagner au nord, en longeant la côte. On passe à côté du phare des Birvideaux avant de partir à l’ouest vers le sud de l’île de Groix. Des dauphins, presque comme d’habitude j’oserais dire, viennent jouer avec l’étrave de Carpe Maria III qui cherche un nouveau nom. Les mammifères ne nous lâcheront pas pendant de nombreuses heures.

La nuit tombe tôt (17h). Le vent s’écrase et on continue au moteur au Sud des Glénans vers la Baie d’Audierne. Je décide de longer la côte pour éviter du vent trop fort de face. Avec Julien et Stijn, on trouve un coffre dans la nuit noire au mouillage d’attente de Sainte Evette pour se reposer un petit peu.

Vent contre courant – tu éviteras

Deux heures à peine plus tard, mon réveil sonne et nous larguons les amarres avec Nicolas. On est optimistes. Grand voile haute et génois déroulé. Pendant qu’on avale les 10 milles nautiques qui nous séparent du Raz de Sein, le vent forcit. Dix. Quinze. Vingt. Vingt-cinq nœuds. Au près. Porté par le courant, Carpe Maria III s’approche à 10 noeuds de vitesse du phare de la Vieille et de la cardinale ouest de la Plate. On prend en catastrophe un, puis deux ris dans la grand voile. Heureusement la manoeuvre est fluide. La nuit est toujours noire même s’il y a des feux de bouées et de phares partout. La mer s’agite progressivement.

A l’entrée du Raz de Sein, la mer est en ébullition. Rien à voir avec les deux passages que j’y ai fait il y a quelques mois. La mer est une soupe. Les vagues vont dans tous les sens. Le vent contre le courant soutenu dans cet étroit goulot à la pointe de Bretagne ne pardonne pas. J’aurais dû mettre le réveil une heure plus tôt pour passer vraiment à l’étale. Trop tard. Nico est à la barre. Je regarde la carte sur mon iPad.

La mer déferle. Une vague. Puis une deuxième. Puis une troisième. Le pont se retrouve sous des milliers de litres d’eau . Ouf, les hublots sont étanches. Par chance, nous tirons le capot de la descente juste avant qu’une vague ne recouvre le roof entièrement. L’eau glacée dégouline mais n’entre pas dans le bateau. A l’intérieur, après deux vols planés, Thibaut qui dormait dans la cabine avant, se réfugie dans le carré.

Je crie aux trois équipiers à l’intérieur qu’on vire dans trois minutes. Encore dix minutes à tenir et la mer se calmera. Le bateau est emporté par le courant et tourne dans les marmites de courant. On vire puis on s’échappe de cet enfer vers la Baie de Douarnenez. Le jour se lève. Le vent tombe. Un dauphin prend de nos nouvelles. On continue la route au moteur vers la Presqu’ile de Crozon. Stijn me remplace sur le pont et je m’écroule dans ma couchette. Deux heures plus tard, l’équipage a déjà oublié la nuit difficile. Il fait presque beau lorsqu’on entre dans le magnifique port de Camaret-sur-Mer.

Le village est désert. On lunche dans le seul restaurant ouvert. Le café de la place. On s’offre des huîtres et un verre de blanc comme entrée. La suite, du poisson et un plat végétarien, est délicieuse. Le serveur/gérant est charmant. Julien, Nico et moi entamons une balade digestive le long des falaises. Le sentier sillone entre cratères d’obus et bunkers allemands jusqu’à la plage de Pen Hat. Quelques surfeurs affrontent le froid. De retour au port, je travaille pour le boulot avant d’analyser la suite de la navigation avec des logiciels météo et de routage.

Les amarres sont larguées juste avant le coucher du soleil. Je cuisine alors qu’on fait route vers le Chenal du Four. Le dernier passage à niveau qui sépare la Bretagne Sud de la Bretagne Nord. Le Chenal est heureusement beaucoup plus calme que le Raz de Sein franchi le matin même. A la sortie du chenal, le vent d’ouest se lève doucement.

Escortés par des dauphins, les deux quarts – Nicolas & Thibaut et Stijn & Julien – font de l’excellent boulot. Le pilote automatique fait le plus dur en barrant le voilier pendant la majeure partie de la nuit. La nuit est noire et il est difficile de barrer dans ces conditions. On fait plus de 7 nœuds de moyenne jusqu’à Dartmouth. Carpe Maria III atteint même 12 nœuds dans des surfs en arrivant sur les côtes anglaises. L’arrivée dans la petite ville de Dartmouth est source d’enchantement. C’est tellement beau. Vers 13h heure anglaise, on s’amarre à la Dart Marina.

Escale anglaise des pestiférés covid

Le capitaine du port nous refuse la place et nous renvoie sur un coffre au milieu de la rivière. Il faut que l’équipage suive la procédure covid en vigueur depuis la veille. Quarantaine. Test PCR le deuxième jour. Puis attente des résultats. A noter que le test PCR est fait soi-même grâce à un kit reçu par la poste et renvoyé par courrier. Bref, aucune valeur médicale. En plus cela coûte 100 Pounds. Et demain on est partis.

On lunche tranquillement à la place de port qu’on nous refuse. Branché à l’électricité, un petit chauffage nous réchauffe (et sèche) après la dure traversée. Le capitaine du port revient à la charge. Il veut qu’on dégage. On appelle un autre port situé 1 km plus loin qui accepte de nous accueillir. Houra. Dix minutes plus tard, alors qu’on fait route, on nous refuse l’accès à nouveau. On finit sur un ponton, sans eau ni électricité, au milieu de la rivière Dart. Le moral est en berne.

Je lis sur les sites gouvernementaux en détails les mesures covid en vigueur. La procédure telle qu’expliquée a du sens pour les voyageurs qui arrivent à Heathrow et qui rentrent chez eux (en quarantaine), mais n’a aucun sens pour des marins. La section “exceptions” offre notre planche de salut. En tant que marins professionnels, double vaccinés, nous sommes exemptés de toute contrainte covid. Yallah. Le deuxième port accepte de nous mettre sur un ponton – non relié à la terre – mais avec de l’électricité. Au moins on passera une bonne nuit.

On gonfle l’annexe et on passe deux heures à terre pour faire quelques courses, boire une pinte de Guinness locale et manger un fish and chips. A 21h, tout le monde roupille comme des biens heureux. Le ventilateur de notre chauffage électrique nous berce.

25 nœuds sinon rien

Après une nuit de sommeil, le port pas convaincu d’avoir bien respecté les règles nous offre la nuit, et évite ainsi de nous inscrire dans ses registres. Plus énorme. Les douanes, avec qui je suis en contact depuis la veille, m’appellent pour me prévenir qu’ils préparent une descente sur notre bateau. Ils nous conseillent de partir. Véridique !

A 14h, nous reprenons notre route vers la Belgique. La tempête qui nous avait forcé à nous réfugier est sensée mollir. Le vent souffle du Nord. Il est polaire. Pendant 34 heures, nous faisons cap plein Est.

J’ai mal préparé la route et sous-estimé le courant à hauteur de l’île de Wight. On a plus de 3 nœuds de courant de face… Heureusement, le vent vient de terre (et la mer est calme), et Carpe Maria avance à 8 nœuds sur l’eau. Chaque mise à jour météo nous promet un vent plus calme d’une quinzaine de nœuds. Au contraire. Le vent ne passe jamais en dessous des 25 et monte régulièrement au dessus des 30. L’équipage est lessivé par les embruns et le froid. Nous longeons d’abord la côte anglaise de jour, puis passons Wight de nuit, avant de traverser la Manche de jour. Enfin on arrive sur Calais puis Dunkerque de nouveau de nuit.

Hors quart, j’ai pu me préserver pendant la première nuit en restant au chaud relatif de la cabine. L’arrivée sur Calais est rock-n-roll. N’étant plus protégés par la côte anglaise, la mer se déchaîne et les rouleaux deviennent de plus en plus gros. Je prends la barre. A moitié pour m’occuper, à moitié en espérant calmer les embardées du bateau. Ma deuxième paire de gants reste sèche pendant cinq minutes avant de se faire avoir par un bel embrun. Après avoir traversé les rails de cargos du détroit, on croise le ballet des ferries assurant la liaison Calais-Douvres.

Dunkerque est enfin en vue. On manque de se faire peur en évaluant mal un cargo sortant du port industriel. A un mille du port de plaisance, le vent s’écroule enfin. On entre dans la nuit noire dans le port et on s’amarre en silence. Les rescapés lèvent la tête de leur sac de couchage. On se félicite tous. Heureux d’avoir fait tout ce chemin en équipe. J’avale un yaourt et m’enfonce dans mon duvet, bercé par le ventilateur du radiateur électrique.

Clap fin

Les quinze milles séparant Nieuwpoort de Dunkerque ne sont que plaisir. Le vent est de nouveau à 25 nœuds (6 bons beaufort). Cela caille toujours autant. Mais déjà nostalgiques, on appréhende déjà le fait d’arriver. La fin d’une belle histoire. Mission accomplie. On écoute Radio Beach, station locale animée par le papa de Stijn. Carpe Maria III fonce pleine balle vers son abri pour cet hiver. Les parents de Stijn nous accueillent à l’arrivée autour d’un café chaud.

Après le dîner au yacht club du VVW, Julien et Thibaut reprennent le train. Stijn rejoint sa famille. Nico et moi retrouvons l’humidité et la froideur du voilier. Au matin, sous la pluie, on sort le bateau de l’eau. La scène est cocasse. Le vent siffle dans les haubans et une pluie froide tombe du ciel. Trois voitures suivent – PAPA CHARLIE (le nouveau nom pour le bateau) – suspendu à la grue. Dans la première la famille de Nico. Dans la deuxième ma famille. Dans la troisième, mon oncle et ma tante de passage dans la région. Après l’hiver, Papa Charlie pourra enfin emmener des groupes voguer sur l’eau, dans des conditions bien plus confortables.

Aberwrac’h – Quiberon [Bretagne 2021]

La troisième et dernière semaine de ce périple breton commence par un contrôle des douanes dans le port de l’Aberwrac’h. Alors que notre Dragon Océan est dans un désordre pas possible suite à notre arrivée nocturne la veille, six inspecteurs montent à bord et contrôlent nos papiers. Acte de franchisation. Cartes d’identité. Livre de bord. Liste d’équipage. Contrat de location. Numéro mmsi. Le bateau – immatriculé aux Caraïbes – attire leur attention car cela est un mécanisme populaire pour réduire ses impôts en France. Heureusement tout est en ordre, et la bonne humeur des douaniers n’était pas feinte.

Contrôle des douanes à bord

Le courant de marée n’étant pas favorable avant 14 heures, un petit déjeuner en terrasse et une douche réparatrice s’imposent.

Le vent sud-sud-ouest est toujours contraire. La navigation commence au moteur dans les chenaux des roches de Portsall. Le mer est hachée. Le vent de face monte à 20 nœuds. Jérôme guide le bateau grâce à son application Navionics. Jens barre pour éviter d’attraper le mal de mer. Le Phare du Four marque la fin de la navigation « au mètre près » et le début du réputé Chenal du Four. Contrairement à mes attentes, la mer y est plus calme. A la pointe de Saint-Matthieu (sud du Chenal du Four), on déroule le Génois et nous continuons à la voile jusqu’à Camaret-Sur-Mer. J’aurais aimé aller à Mortgat ou Douarnenez, deux ports bucoliques mais plus éloignés de la route.

Apéro sur les quais de Camaret

Tempête au port

Nous restons deux jours à Camaret car une grosse tempête (8-9 beaufort) est annoncée pour le lendemain. Pendant la matinée, on profite du « calme avant la tempête » pour refaire une balade sur les falaises de la presqu’île de Crozon. L’après-midi et la soirée se passent au café. J’ouvre mon ordinateur professionnel et traite une cinquantaine de mails. Les rafales dans le port atteignent les 30 nœuds. Le bateau est sérieusement secoué. La tempête m’empêche de dormir avant 4 h du matin. Je vérifie les prévisions météorologiques pendant mon insomnie et décide de postposer le départ – initialement prévu vers 7h – à 13h.

Tour Vauban à Camaret-sur-Mer

Après une nuit blanche et un dernier cappuccino en terrasse sur les quais de Camaret, nous prenons la direction du Raz de Sein. La première heure le vent nous permet de tenir un bon rythme face à la houle résiduelle de la tempête. Le moteur prend le relais lorsque le vent tombe et nous faisons escale à l’île de Sein. C’est une petite île isolée avec à peine 195 âmes, située quelques centaines de mètres du fameux Raz de Sein où la mer devient impossible lorsque vent et courant s’opposent. Le courant peut atteindre 10 nœuds. Bref, pas le moment de rigoler. Vu l’absence de port « en eaux vives », les visiteurs sont peu nombreux. Ce soir-là, nous ne sommes que deux bateaux visiteurs à nous échouer. L’instant est magique. Nous sommes au bout du monde.

Île de Sein

Îles du bout du monde: Sein, Glénan & Belle-Île

A terre, on se promène jusqu’au bout de l’île, au phare de Sein. Sur les quais du « centre-ville », nous retrouvons de nombreux îliens. Assis sur des bancs bricolés. Jouant à la pétanque. Ou comme nous, profitant d’une bière de « chez Bruno ». Nous sommes (quasiment) les seuls visiteurs et vivons un vrai moment d’intimité « îlienne ». Durant la tempête de la nuit dernière, les rafales de vent ont dépassé les 140 km/h (soit 75 nœuds). Pendant que certains préparent le dîner, on prend des images aériennes de ce petit paradis avec le drone de Jens.

Île de Sein

Réveil très matinal et brutal. La marée descend et le port à échouage de Sein ne nous laissera bientôt plus partir. Il n’est même pas 6h lorsqu’on allume notre « Volvo » pour partir en catimini. Le soleil n’a pas encore pointé le bout de son nez. La journée est particulièrement frustrante. On tire des bords « carrés » face au vent. On progresse à 4 nœuds à peine vers le Sud. Des dauphins joueurs viennent égayer notre matinée dans la baie d’Audierne. A 15h, Dragon Océan est enfin amarré à un coffre dans l’archipel des Glénan. Des centaines de voiliers (catamaran, laser, 5.70) de l’école de voile des Glénans s’agitent sur le plan d’eau. On débarque en annexe sur l’île de Saint-Nicolas pour une courte balade, interrompue par la pluie. Dans le seul café de l’île – le Boucané – nous assistons à la victoire de Wout Van Aert sur l’étape du Mont Ventoux au Tour de France.

Promenade avant la pluie sur Saint-Nicolas

Le réveil est plus doux que les autres jours. Pas de contraintes marée ou courant en Bretagne Sud… Le bonheur peut être simple parfois ! On prend notre temps pour se mettre en route et j’en profite pour donner un petit topo sur la navigation. Calculer la distance. Faire un point par trois relèvements. Utiliser des alignements. L’objectif du jour sera de ne pas utiliser le GPS. On largue notre coffre après avoir hissé la grand-voile. Comme à l’île de Batz plus tôt dans la semaine, on quittera notre mouillage sans utiliser le moteur. (bien qu’il sera en stand-by pour la manœuvre)

A peine partis de l’archipel, la beauté nous éclate aux visages. Alors que les bateaux IMOCA de Romain Attanasio (double finisseur du Vendée Globe) et Jean Le Cam (3e du dernier Vendée Globe, 5 participations) filent juste devant nous, des oiseaux et des dauphins s’agitent dans tous les sens. Les premiers plongent de haut et à plusieurs dans la mer, les deuxièmes sautent hors de l’eau. La scène dure une bonne dizaine de minutes. On devine le banc de sardines ou maquereaux qui tente d’échapper à leurs prédateurs.

Fortinet de Romain Attanasio qui croise un voilier de l’école des Glénans
Oiseaux qui plongent dans l’eau à la pêche

Les conditions idéales espérées pendant trois semaines se mettent enfin en place. Vent de 15 nœuds de Sud-ouest et grand soleil. On change nos plans et décidons d’allonger la foulée. On n’ira pas à Groix ou Lorient ce soir, mais lofons de 20 degrés direction Belle-Île. On file enfin à 7 nœuds en ligne droite vers le but.

Clap fin

J’ai promis à l’équipage un dernier émerveillement pour ce soir… et le port de Sauzon sur Belle-Île ne manque pas son effet. Les quais sont animés, les voiliers de passages nombreux, les terrasses bruyantes,… On en oublie de préparer notre manœuvre de prise de bouée (avant & arrière). L’avant-port qui reste en vives eaux étant plein de voilier, on s’enfonce dans le port à échouage (grâce à notre voilier dériveur intégral) en suivant le canot du maitre du port. On manque de se foirer totalement. L’Ovni 395 étant une vraie savonnette, je dérape sur l’eau avec le vent qui monte légèrement. Marche avant, marche arrière. Avant, Arrière. Gros coup de gaz. On resort de l’emplacement devant une dizaine de spectateurs sur les bateaux voisins. Heureusement pas d’égratinures. La deuxième sera la bonne.

Sauzon à Belle-Île

Epilogue

Tout termine comme cela a commencé. Au restaurant. A Sauzon. Au menu pour notre dernière soirée ensemble. Huîtres et Lotte au « Grain de Sel». Merci à tous !

Itinéraire de l’Aberwrac’h à Quiberon

Tréguier – Saint-Malo – Aberwrac’h [Bretagne 2021]

On entame cette deuxième semaine de navigation à Tréguier. Après un café sur la place du village , on part explorer le chantier naval du village. Des dizaines de bateaux sont sur leurs bers à attendre des meilleurs jours et retrouver l’eau. Je suis étonné de voir neuf Boréals entreposés. Ces bateaux en aluminium sont conçus pour explorer les pôles nord et sud. Avec les neuf Boréals vus dans le port de Tréguier, cela fait 18 boréals au total. C’est une belle réussite pour les deux Jean-François à l’origine du chantier. Mais un peu triste d’en voir autant attendre de faire de beaux voyages.

Boréals alignés chantier Tréguier
Port de Tréguier

Nous partons peu avant la marée basse en direction de l’archipel de Bréhat. Au lieu de contourner le phare des Héaux-de-Bréhat, nous empruntons des petits chenaux – La Gaine et la Moisie – qui servent de raccourci. J’empruntais ces mêmes chenaux il y a plus de 15 ans, sans gps. C’était une navigation risquée où il fallait tenir deux amers blancs avec marque noire (le chenal de la gaine) sur une même ligne (alignement), ou encore l´amer du Rosédo avec le clocher de La Chapelle Saint-Michel pour le chenal de la Moisie. La difficulté n’est plus la même avec un iPad qui sert de gps avec une belle cartographie.

A Bréhat, on prend un coffre (une bouée) dans la baie de la Corderie au Nord-Ouest de l’île. La majorité de l’équipage part se promener, à la découverte des jardins soignés et goûtant des fleurs de capucines. A notre retour, un festin nous attend. Gratin dauphinois, parmigiana et saucisses. Les saucisses et merguez auront été au menu pendant une semaine entière suite à une erreur d’appréciation au moment de l’avitaillement.

Jolie maison à Bréhat

Le lendemain, on finit mon quatuor favori de chenaux avec le Kerpont et la Trinité (+ Moisie et Gaine) jusqu’à Paimpol. Dans le port, on s’amarre sur les pontons des Glénans. Quelle nostalgie! C’est là que j’ai appris à naviguer il y a plus de 15 ans et que j’ai passé mes étés pendant 5 ans. Je suis vraiment ému. C’est idiot.

Pas le temps de traîner à bord. À 11h on s’installe sur la terrasse de « l’Époque » pour un premier café. Une journaliste du Télégramme nous prend en photo et 5 min plus tard nous sommes sur la page d’accueil du quotidien breton. La ville des Côtes d’Armor est en ébullition en ce dimanche matin, le Tour de France (cycliste) va y passer. Après des centaines de voitures publicitaires, un sandwich et quelques cafés à notre terrasse en première loge, les coureurs arrivent à fond. En quelques secondes ils défilent et tout le monde rentre à la maison.

Les belges à fond dans le Télégramme – Tour de France à Paimpol

Notre journée sportive n’est pas finie. Le soir, sur la terrasse de la Paillote, nous assistons au match de foot Belgique – Portugal (1-0).

Nous passons toute la journée en mer et à la voile entre Paimpol et Saint-Cast-le-Guildo. Un dauphin solitaire nous salue dans la baie de St Brieuc. Nouvelle soirée foot dans un restaurant France – Suisse (3-3 et élimination française aux pénaltys). La pluie ne nous rate pas en rentrant au port à pied.

Dragon océan

… déjà le dernier jour pour le premier équipage. En deux heures on couvre les 8 Milles nautiques jusqu’à Saint-Malo. On écluse pour accéder au bassin Vauban avec un Figaro 3 qui va participer à une course. Dragon Océan, notre voilier, est amarré au pied de la ville close.

Ovni 395 au pied de la ville close

L’après-midi on se balade sur les remparts puis jusqu’à l’île du Grand Bé, accessible à pied à marée basse et abritant la tombe de Chateaubriand. Le dîner est de toute grande classe. Le restaurant la Corderie offre une vue sur Dinard et sur le barrage de la Rance. Au menu: Spritz Breton, Huîtres, Lotte et dessert accompagné d’un Chardonnay. On finit la soirée à la Trinquette – yacht club repères des marins qui participent au Tour de Bretagne en Figaro 3. Ils s’élancent dans 2 jours et feront le même parcours que nous.

Sur la plage de Saint-Malo

Julien quitte de trop bonne heure le voilier et les filles – Maëlle, Fanny et Amandine – vers midi. Avec Stijn, on en profite pour faire une petite lessive au centre ville.

La journée continue avec des courses en chariot avec Jens et Aude qui viennent d’arriver. En moins de 30 minutes (!!), on trouve tout ce qu’il nous faut pour les 10 prochains jours. Au retour on longe une vingtaine de Figaro 3 qui participent à la course. Je reconnais quelques skippers connus (Tanguy Le Turquais, Alexis Loison, Nils Palmeri).

Figaro 3 à Saint-Malo pour le tour de Bretagne

On continue par une balade dans la cité Vauban et un apéro avec vue sur les chenaux de Saint Malo. Nos voisins de table sont victimes d’une attaque de goélands. Retour au bateau et dîner cabillaud à bord.

Coucher de soleil & apéro à Saint-Malo

Premier jour de navigation avec la nouvelle équipe. Stijn et moi n’avons pas beaucoup besoin de parler pour se comprendre et savoir ce qu’il faut faire.

Après le passage de l’écluse, on poireaute 30 min devant la station gasoil des Bas-Sablons car un couple de touristes prend tout son temps pour faire le plein de son pêche promenade. Les premières heures sont au moteur avant de profiter d’un bon 15 noeuds de vent. Dragon Océan file à 7 noeuds. La pluie s’invite.

On s’arrête à Bréhec pour récupérer Jérôme et Margot en annexe avant de finir la journée au moteur à Bréhat, au mouillage de la chambre. Notre voilier étant un dériveur intégral, on entre assez loin dans la crique avec notre petit tirant d’eau, tandis que de nombreux navires jettent l’ancre dans le Ferlas moins bien abrité.

Embarquement d’équipiers à Bréhec
La chambre à Brehat

Le matin, on fait tous une longue balade jusqu’à l’île nord. Au retour, nous croisons de nombreux touristes d’un jour fraîchement descendus de la vedette. On en profite pour acheter une nouvelle bonbonne de gaz.

Les dieux de la météo ne sont pas avec nous. C’est au moteur qu’on va jusqu’à Batz. On arrive relativement tard et filons au pub de l’île pour assister au match Italie Belgique (2-1). Les français ne manquent pas de nous chamailler.

En Bretagne Nord, il s’agit de toujours avancer avec le courant, qui est favorable pendant 6 heures avant d’être contraire les 6 heures d’après. En attendant la marée favorable, nous faisons un petit tour sur l’île de Batz. On part à la voile de notre mouillage dans le port de Batz (sans utiliser le moteur).

Notre ovni 395 – comme de nombreux dériveurs intégraux – a beaucoup de mal face au vent. On tire des bords carrés et le vent vient de où l’on doit aller. Les premières heures, nous ne progressons qu’à 2 noeuds vers notre but (au lieu de 5 ou 6…). L’arrivée à l’Aberwrac’h devient un chemin de croix. Le vent monte à 20-25 noeuds de face. Le courant s’inverse et devient défavorable. La mer se creuse. La nuit tombe. En plus, l’entrée de l’Aber (estuaire en breton) est périlleuse avec de nombreux cailloux. La moitié de l’équipage est HS pour cause de mal de mer.

Premier soulagement au moment de passer la bouée qui marque l’entrée du chenal. On peut enfin relâcher les écoutes et arrêter de faire du près. On démarre le moteur. Plus loin on affale les voiles et enfin on s’amarre à côté du canot orange et vert de la SNSM. Il est minuit. On n’a pas encore mangé mais on est heureux d’être arrivés.

Quiberon – Tréguier [Bretagne 2021]

Déjà une semaine que nous avons largué les amarres depuis Port Haliguen – Quiberon. La première journée, traditionnellement animée par les courses et le rangement dans le bateau, a continué de belle manière par le passage de la Teignouse et l’arrivée à Ster Wenn – crique idyllique au Nord de Belle-Île. Le meilleur devait encore venir. Après avoir grimpé en haut des falaises entourant notre crique, le papa de Maëlle nous emmenait jusqu’au ravissant port de Sauzon pour un dîner au Café de la Cale. Au menu : Spritz, Lotte et tarte aux pommes au cidre avec glace vanille.

Ster Wenn – Belle-Île
Sauzon – Belle-Île

Le deuxième jour, on remonte toute la Bretagne Sud jusqu’au Guilvinec, port de pêche avec un chenal d’accès balayé par la houle d’ouest. En route nous explosons malheureusement notre spinnaker qui sera bon pour la poubelle. Quelques instants plus tard, notre Dragon Océan croise plusieurs centaines (!!) de dauphins en chasse. On finit la journée sous la pluie battante dans un bar tabac pmu du Guilvinec.

Dauphins qui chassent

La troisième journée est un enchaînement de grands moments. D’abord, le passage du raz de sein, réputé pour son courant fort et sa mer agitée. Ensuite la baie sauvage de Douarnenez et enfin le goulet de Brest avant de s’arrêter à Camaret-Sur-Mer. Le trajet se fait au moteur qui bégaie. Des algues dans le gasoil perturbent l’alimentation. Maëlle, Amandine et Julien se baignent. En fin d’après-midi nous marchons sur les falaises de la presqu’île de Crozon. Les vestiges de bunkers allemands sont entourés de cratères, témoins des bombardements alliés. On finit la soirée dans un pub irlandais avec d’autres belges pour le match euro 2020 Belgique Finlande (2-0 Vermaelen et Lukaku).

Plage de Camaret-sur-Mer
Quai de Camaret

Pas de navigation en ce mardi. Nous marchons plus de 20 km sous le soleil autour de la Presqu’île de Crozon. Les falaises et les plages s’enchaînent. Nous suivons le GR34 et croisons beaucoup de marcheurs. Je passe une bonne partie de la journée au téléphone pour essayer de trouver un mécanicien pour notre moteur. Notre voisin de ponton à Camaret est tout sauf conciliant. Il nous traite tour à tour de menteur ou d’incompétent sans véritable raison si ce n’est qu’on est à côté de son bateau.

Plages presqu’île Crozon
Pré-Filtre à gasoil

Le mécano arrive à l’aube, et en une heure change le filtre et le pré-filtre à gasoil. Il ajoute un produit dans le réservoir pour dissoudre les algues. Problem solved ouf ! On part au près vers le chenal du four, étroit passage entre la terre ferme et les îles de Molène et Ouessant. Les courants y dépassent les 5 noeuds. On tire des bords au près jusqu’à la crique de Brignogan-plages. L’ovni 395 se pose gentiment sur la vase du port. Pour Fanny, nous allons au café du port voir France Portugal (2-2).

Ovni Dragon Océan à Brignogan-Plages
Photo prise à 23:30 sur Brignogan-plages avec la lune en fond

Réveil à 6h pour Stijn, Julien et moi. On souhaite passer la journée à l’île de Batz qui n’est qu’à 14 MN et le courant n’est favorable (2-3 kts) que jusqu’à 8h. Le lever du soleil sur la mer calme est grandiose. Le reste de l’équipage émerge alors que nous sommes amarrés à un coffre dans le port de Batz. Après une belle promenade sur cette île de fermiers, nous mangeons des moules au café du port. Pour retourner au bateau, on patauge dans la vase contre la marée montante à vitesse v-v prime. Stijn finit à la nage pour nous récupérer avec l’annexe.

Dragon Océan dans le port de Batz

Alors que la marée continue de monter, on navigue au milieu des cailloux de la baie de Morlaix jusqu’à Ploumanac’h sur la côte de granit rose, haut lieu touristique de la Bretagne Nord. Les visiteurs viennent admirer les roches rosées et arrondies sur les sentiers du bord de mer. Maëlle, Amandine et Julien finissent la journée par une petite nage tandis qu’on prend l’apéro au soleil sur un caillou rose.

Apéro à Ploumanac’h

Vendredi matin, deuxième demi-journée de pluie depuis le départ. Nous abrégeons notre balade pour nous réfugier un café allongé dans un bar tabac. Vers 16h, on se met en route pour Tréguier. Le vent est mollasson mais suffisant. Un épais brouillard nous empêche de voir à plus de 1 MN. La brume se dissipe en remontant la rivière du Jaudy. Véritable madeleine de Proust pour moi. C’est un trajet que j’ai probablement fait plus d’une vingtaine de fois alors que je naviguais au départ de Paimpol l’été. Le long des berges de la rivière, les champs de blé et les prairies tombent dans l’eau. L’instant est parfait pour commencer la soirée. Le village de Tréguier n’a pas changé en 20 ans. Au centre du patelin, la cathédrale Saint-Tugdual est toujours aussi impressionnante.

Notre ovni 395 à Tréguier au milieu des Boréals du chantier juste à côté
Remontée du Jaudy vers Tréguier
Cathédrale Saint-Tugdual à Tréguier