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Convoyage retour – Norvège – Pays-Bas sur un bord de 450 MN

Prendre l’avion s’est encore avérée une expérience chaotique et particulièrement désagréable. Après un arrêt sprinté à Amsterdam, on arrive à Stavanger et rejoignons le brave Julien qui a rempli le fond de cale de victuailles pour la traversée. Le bateau est amarré dans la petite marina de Børevigå, à quelques centaines de mètres du centre-ville de Stavanger et à côté du musée du pétrole. Ne cherchez pas de maître du port, il n’y en a pas. On paie via l’application GoMarina et on reçoit le code d’accès aux sanitaires.

La mission pour la semaine est simple, ramener notre oceanis 40 Papa Charlie de Norvège jusqu’en Zélande. Il y a 480 MN (=900 km) en ligne droite. Soit 4 jours de navigation si les cieux sont cléments. L’équipe est chevronnée. Philippe qui skippe régulièrement le bateau et est un marin de grande expérience. Julien & Thibaut qui sont des habitués. Ils ont notamment participé au convoyage inaugural épique/mythique en décembre entre le Crouesty et Nieuwpoort.

Après un petit briefing à bord, on se dégourdit les jambes dans Stavanger. Pas de bateau de croisière amarré aujourd’hui. La ville est calme pour un samedi après-midi. On est tous les quatre d’accord pour dire que Stavanger, 3ème ville de Norvège, est plus sympa que Bergen. Plus authentique et moins touristique. Après un apéro à bord, on mange des curry et butter chicken chez Zouq, mon restaurant pakistanais préféré de Norvège. A 21h tout le monde est au lit.

Réveil 7h en ce dimanche. On largue les amarres à 8h15 pendant que le Queen Mary II, bateau de croisière mythique de la compagnie Cunard, s’amarre au centre-ville. Jusqu’à midi, la légère brise venant du large n’est pas suffisante pour progresser à la voile. Elle bute contre le relief de la côte. On appelle cela l’effet coussin.

Les premières 36h sont très favorables. Le vent d’ouest varie entre 8 et 15 nœuds et Papa Charlie avance entre 5 et 8 nœuds. L’équipage s’impatiente de voir les plateformes pétrolières promises. On navigue pendant de longues heures sous gennaker au portant au soleil sur une mer plate. On affale cette grande voile de portant par précaution lorsque la nuit tombe. Menu du midi: pâtes brocoli chèvre gruyère. Menu du soir: wraps.

La première nuit est noire. La lune pleine et orangée disparaît très tôt et on avance dans l’obscurité totale. Nous passons enfin à côté d’une première plateforme. Elle ressemble à un sapin de Noël avec toutes ses lampes et sa torchère au sommet. A l’AIS, on peut voir quatre bateaux stationnés autour. Papa Charlie continue sa route rectiligne. Cap au 195° (sud-sud-ouest).

La journée du lundi est rythmée par le passage de grains. Les grains – nuages monstres – visibles à l’horizon s’approchent lentement avant de surgir subitement. Le vent monte de 10 à 20 nœuds et nous force à manœuvrer. On réduit la puissance de la grand-voile en lâchant le hâle bas et choquant l’écoute. Le génois est enroulé de quelques tours. Enfin on abat d’une vingtaine de degrés pour réduire le vent apparent. Les trois grains du jour nous arrosent mais passent facilement. A midi on mange poulet courgette quinoa. Le soir poulet courgette pâte pesto. Chaque fois avec du topping de gruyère.

Le vent s’écroule à la fin de cette deuxième journée et on passe la soirée et la nuit au moteur. Julien & Philippe font quelques tentatives d’avancer à la voile. Mais sans résultat autre que de réveiller le quart qui se repose.

A minuit, Thibaut et moi montons sur le pont. La lune est beaucoup plus haute que la nuit précédente. C’est un véritable spot qui réfléchit sur la mer. Vers deux heures du matin la lune disparaît, et les étoiles brillent d’autant plus par cette nuit sans nuages. Au loin, sur l’arrière bâbord, une torchère de gaz crée un halo rose.

Depuis le départ, nous avons effectué de nombreuses manœuvres à la voile (hisser, affaler, dérouler, enrouler), mais n’avons pas encore viré ou empanné de bord. C’est-à-dire que les voiles sont, et resteront jusqu’aux Pays-Bas, à bâbord. Le vent venant de tribord.

Au matin, le vent rentre du sud-ouest et on entame un long bord de près. La gîte use les organismes. Manger s’habiller se déplacer. Toutes ces choses anodines sont compliquées. A midi, je prépare un risotto saucisse petits pois lentilles. C’est étonnamment le premier repas que je prépare. L’équipage ayant bien assuré jusqu’ici. La journée suit son cours tranquille au rythme des variations de vents. Nous passons – enfin – près d’énormes et nombreuses plateformes gazières. Un hélicoptère se pose même sur l’une d’elles alors qu’on passe à côté.

La troisième nuit est éreintante. Un front chaud (?) arrive. On enchaîne les grains qui sont nettement plus violents que la veille. Ces immenses nuages déversent des torrents d’eau sur nous. Le vent passe de 5 à 30 nœuds en quelques secondes. De rien à tout. On réduit puis on renvoie de la voile toutes les trente minutes. La mer désordonnée nous fait danser avec elle. Sauter avec elle. Valdinguer dans tous les sens. Après trois plats à la sortie d’une vague, Philippe change la couchette avant pour la couchette stratégique et confortable à l’arrière tribord.

Je reste à la barre pendant trois bonnes heures. L’adrénaline m’empêche toute façon de dormir et tout mon corps est tendu. Crispé. Il y a beaucoup trop de lumières non identifiées à l’horizon. On devine de nouveaux grains dans la nuit noire car très nuageuses. Après le front, le vent “prend de la droite”, il tourne de SW à WNW (sud-ouest à ouest-nord-ouest). Le bateau se retrouve au portant est commencer à foncer. Cap au 180°.

Au matin. On est un peu groggy. Pas le temps de se déconcentrer. La côte hollandaise est toute proche. Elle est piégeuse à cause de son trafic et ses zones interdites. Vers 8h, au moment où je sors de ma couchette, ce sont quatre bateaux commerciaux qui passent derrière nous. Ils font route vers Ijmuiden (Amsterdam).

Avec le courant favorable, nous traçons à 9 nœuds entre Amsterdam et Rotterdam. Ce qui est surprenant ce sont encore et toujours des plateformes gazières. Cette énergie du passé contraste avec les milliers d’éoliennes construites et encore en développement.

Grâce à notre vitesse élevée, nous passons sans encombres les chenaux d’entrée du porte de Rotterdam. Des centaines de navires sont à l’ancre. Vides, ils attendent leur prochaine cargaison.

Après Rotterdam, il nous reste une vingtaine de milles jusqu’à l’écluse du Roompot puis l’Oosterschelde jusqu’à Wemeldinge. On se détend et grignotons sur l’heure de midi. Le plus dur est derrière nous, se dit-on. Le courant s’inverse, on passe de 9-10 nœuds à 6-7 nœuds. Le courant contre le courant fait lever la mer. Le chenal jusqu’à l’écluse est beaucoup plus étroit, long et piégeux que dans mes souvenirs. 10 MN à serpenter entre des bouées peu visibles. Au moindre écart, on s’échoue sur un banc de sable.

A 16h on arrive devant l’écluse. Problème, la marée est trop haute, et la hauteur libre en dessous du pont est insuffisante pour laisser passer notre mât (19 mètres au dessus de l’eau). Nous grignotons les restes du frigo. Fromage. Jambon. Chips. Petite Bière. Puis on nettoie le bateau. A 18h, l’éclusier (à distance), nous confirme qu’il y a assez de place pour passer sous le pont. Il reste encore 18 MN jusqu’à Wemeldinge, mais avec 1,5 nœuds de courant contraire. Au lieu de progresser à du 5-6 nœuds, on se traine à 3,5.

Des grains réapparaissent au loin. Je réfléchis tout haut à affaler la grand-voile haute, et continuer au moteur. Un magnifique nuage apparait sur notre arrière tribord. Thibaut et Julien vont au pied du mât pour affaler la GV quand une rafale à 35 nœuds arrive. Je leur crie de s’agripper. Trente-cinq nœuds. Papa Charlie se couche sur son flanc tribord. Thibaut se tient au mat et Julien aux filières bâbord. Philippe réagit ensuite en choquant la GV. La voile bat dans tous les sens pendant qu’on la descend en catastrophe.

Après le vent, la pluie et la grêle. Philippe se met au poste de barre pour guider le bateau au moteur pendant que des trombes s’abattent. Réfugié à l’intérieur, je m’équipe pour intervenir au cas où. En arrivant à haute de Colijnsplaat, alors qu’on croit le grain passé, la foudre suivi immédiatement d’un coup de tonnerre déchire le ciel. On ne fait pas les malins. Fort heureusement, cela passe sans dégâts. Deux heures plus tard, la nuit bien entamée, on arrive à bon port. On file en catimini car demain matin, c’est boulot !

Convoyage entre Wemeldinge & Stavanger

On largue les amarres vers 11h ce samedi par un belle journée d’été. Grand soleil et légère brise venant du large. Après un arrêt rapide pour remplacer la dernière bonbonne de gaz au Goese Sas, on navigue au près vers l’écluse du Roompot.

Une fois l’écluse franchie, nous sommes « en pleine mer ». Les prévisions météorologiques s’avèrent malheureusement exactes. Le vent s’écroule et on doit progresser au moteur, jusqu’à Scheveningen – port de la ville hollandaise La Haye à 35 MN (milles nautiques) au Nord. A 23h, nous nous amarrons dans une partie quelque peu abandonnée du port et filons au café pour fêter la première journée, et surtout analyser la suite de la route. Nico sur son iPad. Stijn et Luc avec l’application Windy sur leur téléphone. J’utilise mon ordinateur et le logiciel belge Squid pour faire des routages.

Un été en Norvège – cela se mérite

Il y a 470 MN en route directe entre Wemeldinge et Stavanger. L’objectif de cette semaine – rallier Stavanger en Norvège en 7 jours. Il y a 4 jours de navigation mais la météo est compliquée. Plusieurs coups de vent (25-30 noeuds de face) sont prévus en Mer du Nord. Un premier qui dure jusqu’à mardi. Une seconde dépression qui arrive jeudi. Nico analyse une option folle via le canal de Kiel et l’Est du Danemark. Luc analyse un bord vers Hull au Royaume-Uni. Finalement, on choisit la route directe et une étape à Den Helder où nous attendrons « la bonne fenêtre pour traverser ».

Dimanche – deuxième jour

Réveil 6h30 pour profiter du courant favorable (1,5 noeuds). Nous sommes une petite dizaine de voiliers à sortir du port de Scheveningen. La légère brise de travers (7-10 noeuds) nous permet de naviguer à bonne allure. Nous passons devant Ijmuiden (port d’accès à Amsterdam). La mise à jour météo à 10h30 suggère une opportunité pour traverser le lendemain soir.

Avec Stijn, Nico et Luc à bord, j’ai la chance de naviguer avec des personnes qui connaissent bien le bateau et sont super faciles en mer. On n’a pas besoin de se parler pour se comprendre. Tout le monde sait qu’on porte le gilet en permanence, on s’attache de nuit, comment prendre un ris et comment dérouler le génois. Je peux dormir sereinement et j’en ai grand besoin.

En début d’après-midi, après avoir navigué entre des champs d’éoliennes en mer à bâbord et des dunes à tribord, on s’amarre à Den Helder. La ville est connue pour sa base militaire et son ferry vers l’île de Texel, mais pas spécialement pour son attractivité touristique. Le quartier des quais au centre ville nous surprend agréablement.

Lundi d’attente

On s’installe au café-restaurant de Stoom (super sympa) pour une journée de travail. J’enchaîne les capucinos , les calls et les e-mails. On affine ensemble l’analyse météo, les courants, et les routages. La fenêtre du soir s’améliore à chaque update météo (le modèle européen EMCW étant plus réaliste que l’américain GFS).

Départ à 16:30. La première demi-heure est pénible. Moteur à fond face à 25 noeuds de vent et des vagues d’un bon mètre. Ensuite on pique au Sud – à contresens de la route – pour éviter des hauts-fonds du Noorderhaaks. Le chenal étroit du Molengat n’étant plus praticable à cause de son ensablement. La mer est agitée et désordonnée. On ne fait pas les malins. On sort du chenal, virons et partons au nord. On lâche les 2 ris dans la GV (grand voile).

Qu’est-ce qu’on fout là ?

Nos estomacs s’accrochent mais les conditions sont horribles. Papa Charlie n’avance qu’à 4 noeuds (au lieu des 6-7 espérés). Le bateau tape dans les vagues et le vent mollit. Dur coup au moral. Le quinoa feta préparé par Nico peine à nous égayer.

Stratégie de route

La stratégie de route entre Den Helder & Stavanger comprend 3 phases. D’abord en ligne droite cap 355° au près bon plein vers la Norvège. Puis se décaler progressivement vers l’ouest après deux jours, cap 330°. Ensuite empannage et cap 20°-30° sur Stavanger.

L’enjeu est d’arriver avant jeudi midi et l’arrivée d’une dépression générant du vent de 20-25 noeuds (6-7 beaufort) de Nord le long de la côte norvégienne. Fait remarquable, la météo s’avérera extrêmement précise sur toute la traversée.

Fin juin les nuits sont courtes au Nord des Pays-Bas. Stijn et Nico prennent le quart de 20h à minuit. Luc et moi prenons le relais jusqu’à 4h pendant les heures de pénombres.

On alterne une heure à la barre et une heure en équipier de veille. Je prépare une petite soupe pour nous réchauffer. Ne croyez pas que nous sommes seuls en mer. Il y a d’abord deux rails de cargo à franchir et ensuite ce sont des centaines de plateformes gazières et pétrolières. L’AIS facilite la veille. Ce système – Automatic Identification System – permet aux bateaux de partager leur position, cap et vitesse via les ondes vhf. Sur l’écran de notre GPS, nous suivons les mouvements des bateaux autour de nous.

2h du matin

Luc: « Miguel, est-ce que toutes les plateformes sont éclairées?»
Miguel: « oui normalement »

Quelques secondes plus tard. On devine dans la nuit une structure non-éclairée sur notre bâbord. Elle n’est qu’à quelques dizaines de mètres. Silence. Cela n’est pas passé loin.

Mardi à la gîte

On a du mal à entrer dans le rythme. S’habiller est compliqué. Préparer à manger est compliqué. On souffre gentiment et on est tous fatigués. Stijn comate dans sa couchette. Luc s’accroche à la barre. J’ai des pensées sombres.

Pour le souper, je prépare des pâtes. Le moral remonte un peu. Ensuite je file dans ma couchette. Pas facile d’aller dormir à 20h.

Mercredi.

La mer se calme progressivement. On prend confiance. On prend plus de plaisir. Pendant notre quart du matin (8h-13h), Luc et moi reprenons des forces et mangeons abondamment. Luc fait du café. Je prépare une omelette. On déguste un saucisson et un bloc de fromage. Ensuite on finit les pâtes de la veille.

Quand Nico et Stijn émergent. Luc descend faire une sieste. Comme prévu, le vent mollit et tourne Sud. Le bateau gîte de moins en moins. On célèbre la belle journée avec un petit apéro. Premier moment de convivialité après 48h de navigation.

Je prépare un quinoa légumes pour le soir. On échappe aux pâtes sardines suggérées par Nicolas.

Arrivée sur Stavanger

Pour notre dernière nuit en mer. Nous alternons entre moteur et voile. Le vent tourne en quelques minutes de Sud à Nord. La dépression arrive et il reste une vingtaine de milles jusqu’à l’entrée de Stavanger. Au matin, la brume limite la visibilité à 500m. Je vois à l’AIS un cargo en route pour les Féroé. Il change son cap pour nous éviter et passe 1 MN (= 1.852 mètres) derrière nous. On ne le voit pas. On ne l’entend pas.

Luc s’éclate à la barre, au près de nouveau. Papa Charlie fonce à 8 noeuds. Le vent forcit déjà et je prends un ris dans la GV. A 4h, nous descendons dormir alors que la bouée ouest (9 éclats toutes les 15 secondes) signalant l´entrée du chenal est en vue. Deux virements de bord plus tard, l’autre quart allume le moteur et remonte face au vent dans le fjord de Stavanger. A 8h, nous enroulons la pointe en même temps qu’un paquebot de croisière géant. On hisse les voiles et finissons au portant cette belle navigation. On s’amarre au centre ville. Des hordes de touristes allemands débarqués du paquebot sillonnent la ville. Nous zonons fatigués mais avec le sentiment du devoir accompli. Je m’installe dans un café trop bruyant pour travailler et prendre quelques calls.

Zouq – Hekkan – Koko – Réparation

Stijn – en connaisseur de la Norvège – nous emmène au restaurant Zouq. Un excellent indo-pakistanais. A 21:30, je prends un dernier call alors que le reste de l’équipage roupille déjà. Après une bonne nuit de sommeil, on dédie la journée du vendredi au nettoyage et aux réparations. Luc s’attaque au feu avant tribord, puis à la planche du cockpit, la planche WC et enfin le plus dur / ré-accrocher les rideaux du carré. Tâche qui demandera ingéniosité extrême, entre achat de nouveaux boutons pression et démontage du plafond.

Samedi, on finit le nettoyage avant de repasser par nos adresses préférées. Burger cuit au charbon de bois chez Hekkan. Café bio bobo au koko café. Au retour sur le bateau – l’équipage suivant prend déjà ses marques. Mission accomplie.

Nieuwpoort – Kristiansand – Navigation de Belgique vers la Norvège

(publication du récit d’une navigation juin 2019)

Cette semaine, nous convoyons Urga – un Etap 39 – depuis la Belgique vers la Norvège. On a prévu 7 jours (avec de la marge) pour faire presque 500 milles nautiques (= 900 km). L’équipage consiste de 5 gaillard – Miguel Stijn Livio Louis et Saad.

Un faux contact dans le relais électrique pour les instruments de navigation occupe nos premières heures à bord de Urga en ce vendredi après-midi. Stijn prend le problème à bras le corps et en profite pour programmer l’AIS avec son ordinateur. Nous venions de recevoir les identifiants. L’électricien qui « n’avait pas le temps » de venir a du mal à croire que Stijn ait réussi à programmer l’AIS.

Stijn reprogramme l’AIS

Samedi matin, après avoir par hasard découvert l’origine du faux contact, nous larguons les amarres à l’heure prévue – 11 heures. Les parents de Stijn sont là pour nous saluer. On commence par 6 heures de moteur, agrémentées par le passage de dauphins et un bon premier repas de pâtes. Tout le monde prend ses marques à bord et seul le vent manque. A hauteur du Thornton bank, nous coupons un peu trop une nouvelle zone d’éoliennes en construction et nous nous faisons arraisonner par un navire en charge de la surveillance de la zone. Heureusement ils sont sympas et nous obligent juste à faire un détour.

Vers 17h, Louis l’intrépide du bord, décide de faire une petite baignade. Nous commençons également à progresser à la voile avec un petit vent du sud de 2 beaufort. Notre premier apéro tous ensemble est majestueux. Le soleil est haut et nous sommes entourés de navires marchands en route vers Rotterdam.

La nuit est très courte – mois de juin oblige – mais intense. Le vent est capricieux car trop mollasson et mal orienté (plein vent arrière). Le traffic maritime à hauteur des ports de Rotterdam et Amsterdam est impressionnant. Des cargos s’entrecroisent dans tous les sens et nous nous sommes au milieu sur notre coque de noix. Les premières plateformes de gaz sont déjà visibles à peine au nord de Rotterdam.

Stijn à la table à carte

Vingt-quatre heures après notre départ, nous avons effectué 125 MN sur les 460 MN qui nous séparent de Kristiansand. Cette première nuit m’a rassuré sur le sérieux et les capacités de l’équipage. Stijn est un second extrêmement fiable, il barre bien, comprend la lecture de carte et l’utilisation des instruments de nav. Saad, Livio et Louis se débrouillent plus ou moins bien à la barre mais surtout sont autonomes à bord.

Étant le plus résistant au mal de mer dans la cabine (et le meilleur cuisinier ? 🙂 ), je m’occupe de la préparation de tous les repas de la semaine. Au menu du soir, couscous à la belge.

La deuxième nuit, le spectacle est à nouveau grandiose. Au nord, le soleil refuse déjà de se coucher, tandis que son opposé la lune est pleine, brillante et bienveillante. Telle un phare dans notre dos, elle nous illumine le chemin à suivre. La Norvège se trouve à 240 MN au nord. Le ciel est dégagé, la mer s’agite, le vent souffle fort (25 noeuds) du sud. Urga danse sur les vagues comme un funambule. On empanne a hauteur de l’île de néerlandaise de Vlieland. Cap toujours vers le nord.

De l’intérieur de la cabine, on peine à réaliser l’agitation extérieure. Après avoir rangé toute la vaisselle brinquebalante dans les armoires, je dors enfin plus de 2 heures d’affilée pour la première fois depuis le départ. Livio m’apprend à réussir un rubik’s cube. Ce sera mon challenge jusqu’à la fin de la semaine.

Troisième journée de mer et le vent continue de souffler à 20-25 nœuds de SSW. Le ciel est bleu et la mer couverte d’embruns. Ce sont des conditions idéales pour naviguer. Urga progresse à 7-8 nœuds sous grand-voile haute et génois. Nous croisons nettement moins de plateformes ou de navires. Les côtes danoises à 80 MN dans l’est sont particulièrement inhospitalières et j’évite de m’en rapprocher plus.

Plateforme gazière en Mer du Nord

Le pauvre Louis n’arrive pas à se débarrasser de son mal de mer. Il passe sa journée et sa nuit allongé à l’intérieur. C’est tout un cinéma quand il se lève et qu’on lui amène un peu à manger. Heureusement, Saad et Livio gèrent et arrivent à barrer Urga dans des conditions peu évidentes. Les vagues déferlantes arrivant par l’arrière, il faut sans cesse contrer la force de la vague contre le safran.

En deux jours (48 heures) depuis notre départ, nous avons parcouru 271 MN et ils nous en reste 189 MN jusqu’au sud de la Norvège. L’heure d’arrivée, initialement estimée à mercredi fin de journée, sera probablement dans la nuit (qui n’en est pas une) de mardi à mercredi.

J’ai rarement eu un équipage aussi compliqué au niveau alimentaire. L’un n’aime pas les champignons, l’autre les petits pois, le troisième les carottes ou les oignons. Bref, le cambusier a du boulot.

Le vent tombe vers 23h00. Le léger souffle qu’il reste permet d’évoluer à 4,5 noeuds sur la route direct. Louis enchaine les siestes, il a dormi 16 heures sur les 24 dernières heures.

A 4h30, lasse d’avancer à 3 noeuds dans la mauvaise direction pour faute de vent, nous allumons le moteur. Il reste 100 MN jusqu’à Kristiansand. A 10h, il ne nous reste plus que 57 MN jusqu’au mouillage pour ce soir. Le soleil est de plomb et la mer soudainement d’huile. On teste le drone de Stijn en navigation. Les images sont belles mais nous n’anticipons pas comment le récupérer. Des systèmes anti collisions l’empêche de se rapprocher du voilier. Tant bien que mal, j’arrive à l’attraper en vol sans me couper les doigts.

En fin d’après-midi, nous éteignons le moteur et continuons à la voile. Nous atterrissons dans un petit mouillage idyllique à 20 MN de Kristiansand. Je dois m’y reprendre 2 fois pour bien mettre le mouillage et frapper l’amarre à terre. Au moment de remonter l’ancre la première fois, le moteur cale. Panne sèche ? En hâte nous déversons les 20L du bidon de réserve dans le réservoir.

Nous allons tous à terre en annexe et spontanément on s’embrasse tous. On est fier de ce que nous venons d’accomplir. 460 MN depuis la Belgique sur la route direct avalés en 3 jours et 10 heures. On a négocié des passages délicats et navigué au grand largue pendant toute la traversée. Louis passe la nuit à terre à la belle étoile mais le regrettera. Des milliers de moustiques viennent le réveiller.

Premier mouillage en Norvège

Mercredi, nous allons à Mandal, petite ville de 15.000 âmes qui a la particularité d’être la plus sud du pays. Comme souvent après une longue période en mer, on ne fait pas grand chose dans la ville. Fast food – café. La ville est toute proprette mais pas très fun. En plus il pleut.

Mandall – Norway

Le lendemain on zigzague entre de nombreux îlots. Louis pêche une truite mais la rejette aussitôt à la mer. Stijn joue avec son drone. Livio explore la baie en annexe. On passe la nuit amarré à un ponton avant de rallier Kristiansand.

Ponton comme il en existe des miliers en Norvège

Un magnifique parc avec des beaux lacs surplombe la ville. On s’y baigne. La ville est en ébullition (pour des norvégiens c’est-à-dire un rien animée) et profite de ces journées d’été. Il y a un grand concert sur la place centrale. La star du soir est Wyclef Jean (ex- Fugees).

l’équipage arrivé en Norvège

Livio continue son périple en stop vers Stavanger. On rejoint l’aéroport de Kristiansand en Tesla X. On annonce des perturbations à Oslo où nous devons prendre une correspondance. Notre vol vers la Belgique est annulé et nous passons la journée à Oslo au frais de la compagnie aérienne… j’aurai de la chance d’avoir une place tôt le lundi matin tandis que certains devront attendre le lundi soir pour rentrer chez eux.