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5 conseils pour éviter la mutinerie à bord d’un voilier

Je viens de retrouver un texte écrit il y a plusieurs années et jamais publié…

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Quelques semaines ont passé depuis cette dernière traversée où l’ambiance n’était pas au beau fixe dans l’équipage. Partant de cette expérience ainsi que d’autres stages aux Glénans un peu foireux,  voici ce que j’en retiens

« Une tribu d’Indiens ne peut avoir qu’un chef »

Pendant cette dernière traversée, les frictions sont apparues à cause du syndrome que j’appelle « les chefs de Tribu ». En effet, l’équipage du voilier était composé de trois propriétaires de bateaux et deux chefs de bord confirmés (qui en réalité avaient probablement plus d’expérience que les propriétaires).

A bord, le manque d’organisation, de consignes, de définitions claires des rôles, de concertation avant les décisions, de changement incessant de ces décisions… ont mené à une vraie cacophonie. Les égos se sont entrechoqués, tout le monde pensant savoir mieux que l’autre … Un bateau ne peut pas avancer correctement s’il y a plusieurs chefs…

chef indien

Une tribu d’Indiens ne peut avoir qu’un chef

Comme jeune skipper, c’était avant tout le manque de participation des équipiers aux décisions qui m’avait été reproché (je crois), un peu dépassé par les éléments, je ne laissais pas l’équipage « décider » alors que le niveau général était très bon.

Pendant la croisière en Écosse j’avais laissé plus de liberté à l’équipage. Durant la première semaine du cabotage dans les lochs, les équipiers avaient décidé de passer par le canal de Crinan, c’était une expérience géniale bien qu’à la base j’étais personnellement « contre »! Plus tard lorsque des problèmes sont apparus, comme les déchirures à répétition de la Grand Voile, ils ont géré la réparation de manière autonome, trouver une voilerie ouverte, l’appeler, gérer le transport de la voile, etc. Cette approche plus relax, a permis de laisser des soucis sur le dos de l’équipage (la réparation de la voile, le choix de l’itinéraire…) et en même temps d’avoir moins de mal à imposer des décisions « dictatoriales », ou prises sans concertations. J’avais par exemple une nuit de quart décidé de ne pas réveiller un équipier au changement de quart, la personne en question était malade en permanence, ne tenait clairement pas le coup physiquement… On ne s’est aussi pas arrêter aux Scilly. Ces décisions n’ont eu aucun mal à passer.

Trucs et astuces pour gérer son équipage

Alors qu’un bon chef de bord n’aura en général pas de mal à gérer des débutants, le skipper étant « le sauveur » dans bien des situations. Voici quelques recettes éprouvées qui ont fonctionné avec des équipages « compétents ».

  1. Valoriser l’expérience des équipiers
    Un équipier confirmé n’aime pas être pris pour un imbécile, il a aussi son avis sur tout ou presque. Il faut impérativement le laisser participer aux décisions. Ainsi, pour l’élaboration du programme de la semaine, j’explique les contraintes (de retour à 9h le samedi matin, dépression sur la fin de la semaine donc vent du NW, tirant d’eau 2m50, marées importantes… – le mieux est qu’il ait déjà une idée des contraintes), mes envies (j’ai été 5 fois à Saint-Malo cette année, jamais à Jersey…) et mes recommandations (fest noz à Tréguier mercredi). L’itinéraire qu’ils choisiront correspondra souvent à l’itinéraire que je m’étais fixé. De plus, quand fatigué, à la bourre, je n’aurai eu le temps de me faire un programme, les équipiers le fixeront pour moi, ils porteront aussi une partie de la réussite de la navigation ! Comme expliqué plus haut, le fait que 90% des décisions étant prises par l’équipage, les 10% qui restent pourront être imposées facilement.*
  1. Montrer sa maîtrise
    Étant skipper assez jeune, j’ai souvent cru que j’aurais un problème pour m’imposer comme chef de bord, difficile à 20 ans d’être le chef d’un chef d’entreprise propriétaire de bateau depuis 15 ans…La légitimité se joue au niveau des qualifications (diplômes), expérience, compétences techniques et savoir humain. La meilleure façon d’être reconnu et écouté est de partager des petites astuces et de montrer ses qualités humaines. Le fait de récupérer un HLM** tout seul sous spi en 3 min, aura un effet « waw » mais n’imposera jamais le respect des équipiers. Expliquer en détail comment gérer « la cape »***, reconnaître les feux de nuit, arriver en solitaire à quai… aura un bien meilleur effet. Préparer un gratin dauphinois le troisième jour de mer par force 7****, nettoyer le vomi, mener un concours de blague, ou jouer de la guitare… sont de bonnes idées.
  1. Pour éviter les problèmes de discipline, laisser fixer les règles par les équipiers.

–       Quand est-ce qu’on s’attache ?
–       Quand il y a trop de vent…
–       Ca veut dire quoi trop de vent ?
–       Force 4 !
–       Force 4, de nuit à 2 sur le pont au milieu de la mer d’Irlande ?
–       …

Conclusion on s’attache de nuit, ou quand le vent dépasse 20 kts, ou quand on manœuvre sur le pont avec plus d’un mètre de houle. BIEN. C’est désormais leur règle, consignée dans le livre de bord, à eux de la respecter !

  1. Alterner la fusion et la fission
    La difficulté en voilier est la fusion totale entre équipiers: on mange, on dort, on chie, on vomit, on boit, on se lave, on pleure ensemble. L’intimité grandit très vite et cela se passe généralement bien, on est les meilleurs amis alors qu’on se connait depuis 10 heures ! Lorsque vous arrivez au port, profitez-en pour opérer la fission, chacun dans son coin, je cuisine pendant que vous prenez votre douche, je me promène pendant que vous faites les courses ! Une bonne séparation de quelques heures fera le plus grand bien.
  1. Organiser des conseils de crise quand tout va bien
    En effet, lorsque la situation s’envenime, le skipper est souvent mêlé, difficile de prendre le recul nécessaire pour parler calmement de la situation. Le fait de s’entretenir sur l’ambiance permettra de déceler les frictions entre équipiers, et les points sensibles.

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* Naviguer n’est pas de tout repos, en effet, le chef de bord ou skipper devra prendre sans arrêt des décisions. Où va-t-on ? Avec quelles voiles ? Qui est de quart ? Quand s’arrête-on ? Que mange-t-on ? Qui fait la manœuvre de port/porc ?

** HLM : Jargon Marin français pour Homme à la Mer (et non pas Habitation à Loyer Modeste).

*** La cape : allure ou le bateau est à l’arrêt, travers au vent, et facilite la récupération de l’HLM.

**** Comme on disait pour les femmes qui « retiennent » leurs hommes par l’estomac, rien de mieux qu’un bon repas pour remettre l’équipage en selle.

Conseils pour éviter le mal de mer

Dans cet article j’explique comment éviter le mal de mer et comment s’assurer qu’une première navigation en voilier – à fortiori avec moi – se passera bien

J’entame la rédaction de cet article car je suis énervé, frustré, fatigué… surtout déçu pour toi. Oui – TOI – qui refuses de naviguer car tu as peur d’avoir le mal de mer mais n’as jamais mis les pieds sur un voilier… ou parce que tu as eu une fois le mal de mer sur un ferry, en plein hiver, au milieu d’une tempête entre Calais et Douvres…

Tu rates cette superbe navigation en Zélande (phoques, villages pittoresques, etc.), tu rates cette traversée vers Londres au milieu des cargos et la remontée de la Tamise, tu rates cette baignade au milieu des tortues aux Grenadines, tu ne viens pas en Grèce explorer les Sporades, …

Sur les près de 500 équipiers que j’ai eu la chance de côtoyer, un petit 5% a eu le mal de mer. Ces malades l’étaient lors de navigations difficiles, rudes… Dans lesquelles la plupart (90%) de gens attrapent la nausée avant d’être véritablement amarinés. (c’était en Ecosse de nuit pendant la tempête,  durant mes deux transatlantiques, ou encore lors d’une traversée de la Manche en hiver).

La vérité, seulement 10% des gens sont vraiment insensibles au mal de mer… Par chance, ma tendre et chère et moi-même en sommes !

Voilier au Panama

Ce que vous ne verrez jamais à cause de votre psychose du mal de mer…

Mal de mer physiologique

Le mal de mer est psychologique et physiologique… Seulement une infime partie de la population (~5%) a le mal de mer physiologique – c-à-d irréversible et inguérissable. Par exemple, il existe même des pilotes d’avion avec le mal des airs… Pour eux, le meilleur remède est de prendre un antihistaminique (Touristil, MerCalm) 30 minutes avant le départ en mer. Ils éprouveront une petite somnolence à cause du médicament mais s’en sortent pas trop mal.

Mal de mer psychologique… et les 5 F

Les autres souffrent de – ce que j’appelle – mal de mer psychologique. Il est favorisé par les fameux 5 F – la faim, la frousse (peur), la foif (soif), le froid et la fatigue. Par exemple, cette personne qui n’a jamais navigué, qui part avec un équipage qui ne s’y connait pas plus que ca… il fait gris, il pleut, il fait froid … De peur de devoir aller à la toilette, il ne mange pas, et ne boit pas… en plus il a mal dormi pour sa première fois sur un voilier…

5F

5 F favorisant le mal de mer

Plus les conditions sont dures, plus les 5 F vont favoriser la nausée, voire les vomissements…

Conseils pour éviter le mal de mer

Rappelle-toi le début de l’article, sur 500 équipiers, seulement 5% ont été malade, et c’était à chaque fois dans des conditions pénibles… et surtout – TOUS – sont revenus faire de la voile. Voici quelques conseils pour éviter le mal de mer, le premier conseil étant le plus important, naviguer dans des endroits calmes pour commencer.

  • Naviguer pour la première fois dans un endroit calme – la Zélande, la Croatie, la Bretagne – avec une météo favorable (vent léger, pas de houle et du soleil)
  • Manger & boire suffisamment. Quand j’ai un petit coup de moins bien, j’adore manger quelques chips ou bonbons pour retrouver mes esprits
  • Prendre la barre et barrer le voilier afin de t’obliger à sentir les vagues, le vent…
  • Avoir chaud et rester au sec
  • Rester actif, aller chercher à manger dans la cabine, participer aux manœuvres, chanter, etc.
  • Ne pas lire, ne pas rester à l’intérieur ou cuisiner

Personnellement, je m’assure de naviguer dans des bonnes conditions avec des “novices” de la voile. Je tiens aussi les gens occupés, on chante, on mange, on prépare à manger, on fait la vaisselle sur le pont… Tout ça pour oublier qu’on est sur un bateau.

… et si jamais tu as quand même le mal de mer

Sache tout d’abord que la plupart des coureurs au large (voileux professionnels) ont aussi le mal de mer (après eux ne naviguent pas dans des conditions vraiment clémentes).

  • Il ne sert à rien de paniquer, reste dehors au grand air, éventuellement attache toi si la mer est vraiment agitée
  • Préviens le chef de bord le plus rapidement possible, il pourra te donner d’autres conseils / s’occuper de toi
  • Au plus tard, on guérit en 2 secondes une fois arrivé au port
  • Cependant, le mal de mer passe après quelques heures, souvent après une régurgitation ou un petit somme
  • Allonge toi, et ferme les yeux, si possible dors
  • S’il fait froid, il vaut mieux dormir à l’intérieur. Dans ce cas-là on rentre et on se jette sur sa couchette directement, sans essayer de ranger des chaussures ou autres, la priorité, s’allonger, fermer les yeux

Conclusion: La première expérience est fondamentale

Pour ceux qui rêvent d’emmener leur proches naviguer, il est indispensable de faire en sorte que leurs premières expériences nautiques soient bonnes. Oubliez une sortie à la mi-saison par un 5-6 Beaufort sur un petit voilier, préférez plutôt un grand voilier, au soleil, où on peut se baigner, et une courte navigation de quelques heures dans des bonnes conditions. Bon vent !