Cuba nourrit beaucoup de fantasmes et de préjugés, surtout depuis le réchauffement des relations diplomatiques entre Etats-Unis et la plus grande île des Caraïbes. Impossible de se faire une idée claire de la vie cubaine avant de se rendre sur place…
Cuba est aussi la dernière étape de notre périple de 6 mois, il y a d’abord eu la transat à bord de Tikehau (entre Bretagne et Martinique), les Antilles (Guadeloupe, Dominique, Martinique, Ste Lucie, et St Vincent & les Grenadines), et l’Amérique Centrale à sac à dos de Panama jusqu’au Mexique et Cuba.
Trois hommes marquent l’histoire de Cuba au 20ème siècle. Batista, Fidel Castro et Che Guevara. Fulgencio Batista, est le chef militaire qui dirigea Cuba de 1933 à 1944 et de 1952 à 1959. Sous son pouvoir, Cuba s’américanise considérablement et la Havane est envahie par des milliers d’américains à la recherche de débauche, La Havane se transforme en une sorte de précurseur à Las Vegas. En 59, Castro renverse le régime de Batista avec l’aide du Che. Tous deux alors poussés par un idéal communiste, ils se mettront très rapidement les USA à dos en privatisant les hôtels et casinos. Le point d’orgue de ces tensions fut la crise des missiles russes en ’61 qui mena à l’embargo américain dont l’île a tant souffert.
Fidel devint le leader de Cuba pour près de 50 ans avant d’être remplacé par son frère Raul. Le Che se retrouva rapidement ministre dans l’administration Castro, et même directeur de la banque centrale alors qu’il n’avait aucune connaissance économique. Peu attiré par le confort et l’opulence, le médecin argentin quitta rapidement l’île pour retrouver son rôle de chef révolutionnaire. Il tenta d’abord d’installer un régime marxiste au Congo belge, puis alla en Bolivie où il se fit capturé puis assassiné par la CIA.
Dans notre vol entre Cancún et la Havane, les passagers embarquent fours, micro-ondes ou frigos car ils sont introuvables sur l’île. À notre arrivée à Cuba, le seul distributeur de billets de l’aéroport accepte heureusement ma carte visa et nous donne des précieux CUC, la monnaie “convertible” pour touristes. Dans le hall des départs, nous abordons un couple qui finit son voyage. Ils nous donnent (enfin on leur extorque) leur routard et nous recommandent à la Havane de loger Chez Fragnol la casa de los amigos, située dans le quartier du Vedado à côté de l’ambassade suisse (redevenue ambassade américaine le 14 août 2015).
Chantal, propriétaire française de notre casa particular, est mariée à un Cubain et nous pouponne comme si nous étions ses enfants. Elle nous explique tous ses bons plans sur l’île, comment la vie est difficile car tout doit s’acheter au marché noir et confie également faire son shopping à Cancún. Chez Fragnol, le petit déjeuner est royal et le dîner succulent. On regrettera d’avoir mangé un soir en ville dans un restaurant touristique au lieu de manger à la casa chez l’excentrique Chantal.
Se promener à la Havane est comme un retour dans les années ’50. Les magnifiques immeubles sont souvent en ruine, il n’ont connu de restauration depuis les fifties, les voitures sont soit des vieilles américaines avec de gros moteurs très polluants, des petites russes (Lada) ou des nouvelles françaises (Peugeot). Ce n’est pas seulement l’embargo qui empêche les Cubains de se développer, c’est aussi le régime qui impose des taxes très élevées sur les importations (une voiture neuve y coûte 2 fois plus chère que chez nous).
Nos lieux préférés sont la fort touristique Calle Obispo et les nombreuses places dans le centre historique, le Malecon, la digue au bord de mer longue de plusieurs kilomètres où les havanais se retrouvent en soirée pour jouer de la musique ou flirter; l’usine à cigares Partagas ou encore l’hôtel Inglaterra devant lequel de nombreuses (voitures) américaines attendent d’emmener des touristes pour un tour de la ville.
Après 3 nuits à la Havane, nous prenons les bus “touristiques” viazul jusqu’à Viñales. Située à l’ouest de la Havane, la région de Viñales est relativement riche et verdoyante. La moitié des maisons de la petite ville se sont transformées en casa partciular. Nous logeons pendant trois nuits chez Mayi et Yeyo, un couple extrêmement accueillant et bienveillant. Un gros orage justifie une siesta pour notre première après-midi par ici. Même si Viñales a beaucoup de restaurants dans la rue principale, on mange mieux dans les casas. Yeyo, ayant travaillé comme cuisinier dans un hôtel réputé, nous prépare pour le dîner notre deuxième langouste du séjour, avec une sauce tomate délicieuse. Le troisième soir on aura un magnifique morceau de canard !
Le second jour à Viñales, c’est à cheval que nous explorons la campagne autour de la ville. Les paysages me rappellent un peu la région de Yangshuo / Guilin en Chine avec d’imposants mogothes. Nos chevaux connaissent tellement la balade par cœur qu’il est inutile de les diriger, ils sont en mode pilote automatique. On s’arrête en haut d’une colline pour admirer la vue et boire un coco loco, noix de coco avec rhum et miel. Toujours à cheval, on visite une grotte et enfin on s’arrête chez des cultivateurs de tabac et de café. L’après-midi on se repose à notre casa après un lunch tapas où nous avons discuté avec un Anglais et une Néo-Zélandaise. C’est la première fois en trois mois de voyage sac à dos qu’on ose véritablement ne rien faire pendant quelques heures. Il n’y a même pas internet. Tous les soirs, la fête se passe à la casa de la musica. Des locaux et des touristes dansent de la salsa comme de véritables professionnels, nous nous contentons de boire des mojitos et d’admirer le spectacle.
Le lendemain, Geneviève et Laurent nous embarquent dans leur voiture pour un roadtrip. On commence par la ferme de Robainas où un excellent guide nous explique ce qu’il faut savoir dans un parfait français. Il n’est pas peu fier de nous montrer des photos souvenirs des venues du chanteur Sting et de Gérard Depardieu. Obélix y aurait dévoré 3 poulets et fumé cigare sur cigare durant toute une aprem avec le propriétaire Hiroshi Robainas.
Pendant l’hiver, on cultive le tabac qui sert à la fabrication des cigares. En 45 jours à peine, un plant de tabac atteint une hauteur de 2 mètres, s’en suit la récolte des 18 feuilles de tabac, 2 par semaine par plante (donc 9 semaines en tout), le séchage et puis vient la fermentation des feuilles. Ce procédé comporte de hauts risques de moisissures ou d’incendies. Le tabac est ensuite empaqueté dans des caisses de feuilles de palmiers et vendu pour 90%’à l’état. C’est le gouvernement cubain qui contrôle fabrication et vente des précieux cigares. Le tabac sera d’abord conservé pendant 1 à 3 ans dans des chambres climatisées avant d’être roulé pour faire des cigares.
Après la ferme à tabac nous roulons jusqu’à Cayo Jutias. Belle plage à 60 km de Viñales. La plage est plutôt belle, l’eau quasi bouillante mais le snorkeling n’est que moyennement intéressant. Un violent orage met un terme un peu prématuré à la bronzette. Dans la voiture, Geneviève et Laurent qui viennent d’Ardèche, nous racontent avec beaucoup d’enthousiasme leurs précédents voyages, en Inde ou au Pérou dans les années ’80.
Nous rallions Playa Larga en taxi collectif avec deux Français. C’est plus rapide et moins cher que les bus viazul. En chemin pour Playa Larga, notre chauffeur s’arrête au bord de la route dans une ferme. Il s’agit en fait d’une pompe à essence – marché noir. Le fermier siphonne d’abord les camions de l’état qui s’arrêtent chez lui, en donnant un petit billet au chauffeur, avant de revendre le fuel aux chauffeurs de taxi.
A Playa Larga, nous sommes à nouveau reçus comme des rois dans notre casa particular – El Varadero – avec vue sur mer. Playa Larga est située au fond de la baie des cochons, lieu d’un débarquement improbable en avril ´61 de 1.500 belligérants cubains soutenus par l’administration Eisenhower/Kennedy. La mission avait pour but de renverser le régime castriste échoua magistralement. La ville est morte, un pauvre resto bar, quelques casas particular, et comme d’habitude pas de magasins. Tony et Osmara, nos hôtes nous recommandent le club de plongée / snorkeling.
L’activité du deuxième jour sera donc le snorkeling ! Arrivés sur place, voyant une vingtaine de touristes choisissant leurs tenues de plongée et pour ne pas mourir abrutis, nous changeons nos plans et optons également pour un baptême de plongée. On s’attendait à du snorkeling en version mieux, on a été servi ! Le spot de Playa Larga est idéal pour la plongée car on part du bord de la plage et ensuite en pente douce, le fond progresse jusqu’à une paroi qui va de 30 à 300 m de profondeur. Notre moniteur nous explique d’abord les bases de la plongée, fonctionnement du détendeur, communication par signe, etc… La première plongée, nous descendons jusqu’à 6-7 m avec un groupe de 8 plongeurs. Un gros mero, poisson de 2 mètres d’envergure nous suit pendant une dizaine de minutes. L’eau est chaude, les coraux préservés, … Bref l’éclate !
L’expérience est tellement incroyable que nous enchaînons avec une deuxième plongée deux heures plus tard. Nous sommes en plus petit groupe et descendons jusqu’à 15 mètres de profondeur pour voir une épave d’un navire. L’émerveillement devant les poissons, coraux… est tel que nous prolongeons notre séjour à Playa Larga pour faire deux nouvelles plongées le lendemain. Pour la première, à une vingtaine de mètres, nous allons vers une deuxième épave et voyons une murène un peu agressive et passons ensuite par un petit tunnel à travers la roche. Mno est particulièrement à l’aise et ne consomme que très peu d’oxygène. Pour notre quatrième et dernière, nous descendons jusqu’à une trentaine de mètres de profondeur le long de la paroi au milieu de la baie. Pour la première fois, nous ne voyons même plus la surface de l’eau cristalline.
Alors qu’on attend le bus Viazul, à un carrefour à Playa Larga, nous nous regroupons avec d’autres voyageurs pour prendre un taxi collectif. En plus d’être plus rapide, cela nous permet de faire une courte escale pour se ballader dans le centre de Cienfuegos. Des rabatteurs particulièrement malicieux nous harcèlent quelque peu à notre arrivée à Trinidad. Ils prétendent être de la casa qu’on a réservé, ou que cette casa est déjà complète … Finalement un jeune homme sur un tricycle vient nous chercher pour nous emmener à la bonne casa. C’est une très belle maison coloniale avec une courette intérieure. La chaleur à Trinidad est écrasante et la limonade de bienvenue est salvatrice.
La plage Ancon au sud de Trinidad n’a que peu d’intérêt, trop bondée, transats réservés pour un hôtel, et surtout rien à voir dans l’eau. Nous préférons déambuler dans le centre de la ville en fin de journée, et entrer dans de nombreux anciens palais coloniaux. Après le dîner, tous les touristes convergent vers la Plaza Mayor et la casa de la musica. L’ambiance y est moins dansante qu’à Viñales.
La vallée de los Indigenos est située à quelques kilomètres de Trinidad est magnifique. Pour une fois on négocie mal notre coup, payant beaucoup trop un chauffeur de taxi et un guide alors que ce n’est qu’à quelques kilomètres… Cette vallée connut autrefois une importante industrie sucrière. La tour 45 m de haut servait à surveiller toute la vallée et à signifier avec des cloches le début et la fin du travail.
Le couple argentin avec qui nous partagions la casa à Trinidad nous propose de les accompagner en voiture jusqu’à Varadero. C’est ainsi qu’on se retrouve six heures en route jusqu’à Varadero, station balnéaire low cost au nord de Cuba. Nous demandons une chambre dans le premier hôtel que nous voyons, c’est un all-in. Il est envahi par des Canadiens qui s’y plaisent. Deux nuits et une journée suffiront largement à notre malheur. On se console avec la belle plage et l’eau cristalline dans laquelle nous nageons beaucoup.
Nous passons la dernière nuit de notre voyage chez Chantal à la Havane pour se faire dorloter avant de rejoindre l’aéroport dans une américaine décapotable – wahoo !
- Allez y tout de suite maintenant !
- Go slow – à la cubaine, acheter les billets viazul nous a pris une demi-journée, il faut faire avec… Ne faites pas de planning stricte à l’avance
- Louer une voiture est un mauvais plan, c’est très cher, et on peut être ennuyé sur la route. Il vaut mieux prendre des taxis, même pour les longues distances
- Les immanquables sont Vinales, Trinidad et la Havane, mais n’ayez pas peur de découvrir la plongée à Playa Larga
- Même si Cuba est plutôt pauvre, le séjour sur place ne sera pas donné, car les impôts sont très élevés sur les casa particular…
- Évitez Varadero, vraiment !
Merci pour les nouvelles!
Bizz